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        Ils sont toujours là à tout savoir, à tout connaître, à toujours avoir raison. Ça ne sert à rien d’envoyer des CV, ça ne sert à rien parce que les gens ne répondent pas, il faut se rendre sur place, pousser les portes et puis les obliger à te recevoir. Ça ne sert à rien d’attendre, il faut précipiter les choses, montrer que tu en veux, montrer que tu es prêt à te battre et que tu es prêt à tout pour réussir ! Voilà ce que j’entends toute la journée, et voilà ce qui m’énerve, ce qui me désole. Qu’est-ce que j’en ai à faire, moi, de leurs systèmes à eux, de leurs réponses toujours identiques et de leurs routines sans cervelle ? Qu’est-ce que j’en ai à faire, d’un monde complètement restreint, complètement asservi ? Aller travailler à telle heure, chez des gens qui t’exploitent et qui te manipulent, qui te donnent un chèque en guise de compensation et puis des chiffres d’affaires en guise de remontrances. Voilà leur monde à eux, voilà leur monde débile. Ce monde-là ne m’intéresse pas, ce monde-là n’est pas le mien, et ce monde-là, je le méprise !
        Moi, je veux être libre. Libre de pouvoir vivre de ce dont je suis réellement capable, vivre sans avoir en permanence quelqu’un dans le dos, quelqu’un qui te dit ce que tu dois faire, ce que tu dois penser, ce que tu dois dire.
        Ils n’ont donc pas compris que je suis différent ? Que rien au monde ne pourra me rallier à eux, et que s’il y avait une guerre à déclarer contre tous les partisans de l’embourgeoisement, je serais un des premiers à donner ma vie à la Révolution.

        Moi, ce qui m’intéresse, c’est la vie sans mensonge. La vie qui ne te passe pas à côté de tes pompes, la vie qui n'appartient qu'à toi, et puis aussi le temps de respirer et le plaisir de la contemplation.
        Ce qui m’intéresse, c’est le principal, de la banalité à la tragédie, mais le tout en passant par l’expression. Je veux que l’on me donne un stylo, je veux que l’on me demande des scénarios, je veux que l’on me construise un décor à l’échelle d’un Nouveau Monde, et que l’on mette tout le restant des choses à feu et à sang.

        Je veux du spectacle, je veux de l’intensité.
        Je veux que les gens qui ont peur savent ce que c’est que d’avoir la frousse, et que les gens qui se plaignent savent ce que c’est que de n’avoir personne sur qui compter.

        Ce n’est pas de l’aigreur, ce n’est pas de l’amertume, et ce n’est pas de la rage non plus.
        C’est ces trois choses réunies, et je pisse au cul de tous ceux qui ne sont pas d’accord avec moi.
        Quand on veut vivre fort, il nous faut des barrières et de la dynamite.

        Que tous ceux qui me haïssent fassent les barrières : ils sauront ce que c’est que la dynamite !



    Rubrique Dialogues de sourds / La barrière et la dynamite / Charlie Bregman


     


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