• C'est marrant comme, vu d'en haut, les hommes ressemblent à des marionnettes. De vrais pantins désarticulés, pour certains, qui passent leur temps à aller dans un sens le matin, aller dans l'autre sens le soir, se mouvoir les yeux grand ouverts, prendre l'air sans rien voir… Ils ont fière allure, dans leurs costumes bien endimanchés. Leurs voitures qui brillent, leurs routes bien tracées. Moi, je suis mort, et ça me fait marrer.

    Ils passent leurs journées à se fatiguer, se contrarier, s'énerver et s'engueuler. Ils amassent les dossiers, brassent de l'air et croient mouvoir le monde, en donnent la cadence sans jamais trop entrer dans la ronde, grimpent les échelons petit à petit, méritent leurs salaires, méritent leurs cravates, s'offrent des bonnes pour le week-end se la couler douce dans leurs savates. Moi, je suis toujours mort, et ça me fait toujours marrer.

    Ils se nourissent de plein de bonnes choses, se feraient péter la panse et tout ça avec éloquence, s'abreuvent de phrases stériles et de jugements à deux balles, se souviennent de rien et en redemandent, parlent d'eux sans jamais écouter, questionnent sur les chiffres, collectionnent les relations, trompent parfois leur femme, trahissent souvent leurs amis, s'inquiètent des autres que lorsqu'ils sont mourrants, en espérant qu'une seule chose, être dans leur testament…

    Moi, je suis loin, maintenant, ah, je peux rigoler ! J'ai été comme eux et ça me fait bien marrer !

    J'ai été comme eux, et ça m'a longtemps fait pleurer.

    dédicace

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