• Delphine

      

     

    Tu vendais ton corps comme un produit gratuit, sans négociation, pour une nuit ou pour la vie. Tu rêvais d’un monde meilleur, peuplé de poètes et d’architectes, de rimes désuètes et d’espaces dont on se délecte. Tu avais des doigts de fée qui devaient combler tes amants, à en juger le nombre de prétendants et les rumeurs qui allaient bon train sur ton compte et tes sentiments.<o:p></o:p>

    Trahie par les tiens, trahie par tes amies, tu continuais aveuglément sur cette route pleine d’embûches et de désillusions. Tu brûlais ta vie et tu te brûlais au contact de ces salauds, qui ne t’aimaient guère plus qu’une prostituée gratuite dont on aurait tort de ne pas aspirer le sang chaud.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Tu es arrivée chez moi en pleine nuit, avec un de tes amants qui était un de mes voisins. La porte de chez toi avait claqué et tu n’avais plus les clefs, et lui, bien sûr, à sa mère, il ne voulait pas te présenter.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Tu as voulu que je t’héberge, que l’on passe la nuit ensemble. Lui, il a donné son accord et sa confiance, et il est remonté chez lui soulagé de ne pas avoir à te payer un hôtel ou un serrurier.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Je t’ai proposée mon lit, et moi j’ai pris le canapé. Tu n’étais pas d’accord. « Pour qui me prends-tu ? Tu n’as pas confiance ? On peut dormir ensemble, il n’y a pas de problème. »<o:p></o:p>

    Alors je t’ai fait confiance et dans les draps on s’est couchés.<o:p></o:p>

    Dans la nuit noire, tu m’as frôlé. Discrètement, tu voulais me caresser.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Je n’ai pas cédé.<o:p></o:p>

    Je n’ai pas couché.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Tu valais mieux que ça, Delphine.<o:p></o:p>

    Mieux que tous ces gens qui couchaient avec toi sans rien te donner. Mieux que tous ces amours sans sentiment, ces étreintes profiteuses aux gestes égoïstes.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Je t’ai alors dit que j’en aimais une autre.<o:p></o:p>

    La seule chose que tu pouvais respecter.<o:p></o:p>

    Mais c’était faux, car je n’aimais personne. J’étais aussi célibataire qu’un verre de cocktail vide un soir de grande soif. Sans tendresse ni amour moi aussi, sans sexe ni bonheur. La vingtaine désespérée, et les histoires d’amour fracassées. Des beaux sourires et plein d’humour, mais un château fort jamais convoité et jamais assiégé !<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    L’assiéger, toi, tu aurais bien voulu, et tu as même essayé.<o:p></o:p>

    Au petit matin, les draps entiers empestaient ton parfum, et pour la première fois, je n’ai pas osé les ramener à ma mère, et c’est moi qui les ai lavés !<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Mais rien ne s’était passé. Toujours rien. Jamais rien.<o:p></o:p>

    De marbre, ton Charlie. De marbre partout, mais de marbre quand même !<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Tu m’en as voulu quelques temps, et puis on est vraiment devenus amis.<o:p></o:p>

    De confidences en confidences, sur toi, j’en ai un peu plus appris. Nos points communs : Le Corbusier, Jean Nouvel, Barbara et le cinéma de Claude Lelouch … Et puis, le décès de ta sœur, au sommet de ses dix-sept ans, ton chagrin incommensurable et ta volonté de vivre tout ce qu’elle n’avait sans doute jamais vécu.<o:p></o:p>

    Pour la première fois de ma vie, je ressentais une solide amitié envers toi. J’étais fier de ne pas t’avoir salie, humiliée comme tu me l’avais pourtant demandé. Fier de ne pas avoir cédé à la facilité, et fier de ne pas t’avoir sautée, tout simplement.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Aujourd’hui, nous ne nous voyons plus. Tu t’es mariée, je me suis marié, et si ça se trouve, ton mari n’est même pas cocu.<o:p></o:p>

    Tu es guérie.<o:p></o:p>

    Soignée. Délivrée.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Je te souhaite vraiment tout le bonheur du monde, Delphine. Tout le bonheur de ceux qui savent ce que c’est que d’avoir la tête qui n’a pas tourné rond à un moment donné de leur vie.<o:p></o:p>

    De toi, je garde le souvenir d’une amitié sincère et salvatrice. Je n’ai pas oublié qu’au bord du gouffre de mes études, sur la corde raide qui ne me laissait aucune seconde chance, je n’ai guère eu de soutien à part le tien.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Sans toi, je ne sais pas ce que je serais devenu. Sans toi, je n’aurais jamais trouvé mon équilibre, et ça, je t’en remercie.<o:p></o:p>

    Mais merci est un mot bien ridicule, pour quelqu’un qui m’a sauvé la vie.<o:p></o:p>

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    <o:p> </o:p>

    Alors je t’embrasse, Delphine.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Y a-t-il seulement autre chose à faire ?

     

     

     

     

     

    <o:p></o:p> 

    <o:p> </o:p>

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  • Commentaires

    1
    visiteur_bernard
    Mercredi 3 Mai 2006 à 13:17
    toujours gentleman le bregman!! tout est dans le titre, belle histoire, tr??uvante...
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