• Interview de Vanessa du Frat, une auteure auto-éditée et déterminée

    Le projet de publication de sa première œuvre fictionnelle en une saga de 7 tomes est une information qui suffira à convaincre celles ou ceux qui ne le savaient pas encore combien Vanessa du Frat est une auteure prolixe.
    Pour son interview consacrée à la sortie du premier tome des Enfants de l'Ô, là aussi, on a dû couper ses réponses pour en faire 2 tomes !
    Voici donc enfin (après de nombreux soucis techniques indépendants de ma bonne volonté) la suite d'un portrait d'une auteure à qui nous souhaitons une longue carrière.

    Et pour celles et ceux qui auraient besoin de s'y référer, le bon lien qui mène à la bonne page, c'est celui-ci :

    [ Interview de Vanessa du Frat, les coulisses d'une auto-édition ]

     

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    6 - Vanessa, que penses-tu de la différenciation systématique entre "auteur auto-édité" et "auteur tout court" ?

    Je vais sans doute te surprendre en te disant que cette différenciation est souvent justifiée. L’autoédition (ou une forme d’autoédition) est devenue beaucoup plus accessible avec des sites comme lulu.com ou thebookedition.com au cours des dernières années, et je ne parle même pas de l’essor du numérique et de systèmes d’impression à la demande comme CreateSpace. Résultat : n’importe qui peut « publier » un livre.

    Le travail d’un éditeur n’est pas juste d’envoyer des lettres de refus impersonnelles, c’est aussi de mettre en valeur un ouvrage. D’aider l’auteur à améliorer son histoire. Je ne parle même pas de la diffusion, qui est un tout autre problème qui n’affecte pas la qualité d’un livre.

    Un éditeur va travailler sur le roman, va dire à l’auteur de réécrire tel ou tel passage, d’enlever tel autre, de mettre en avant un personnage plutôt qu’un autre. Il a de l’expérience (normalement), a une formation (même si ça devient de moins en moins vrai actuellement, quand n’importe se lève un matin et décide de créer une maison d’édition), et sait ce qui va plaire au public ciblé.

    Beaucoup d’auteurs autoédités se lancent dans l’autoédition car ils en ont assez de recevoir des lettres de refus. Je ne dis pas que leurs romans méritent ces lettres de refus. Parfois, le livre ne correspond pas à la ligne éditoriale de la maison d’édition, parfois encore, le planning de publication est plein, parfois, ce n’est juste pas le bon moment. Des éditeurs refusent d’excellents romans par manque de temps, ou parce que ce ne sont pas des coups de cœur…

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    Certains auteurs pensent que faire relire leur livre une ou deux fois par des amis, éventuellement le faire corriger bénévolement par une connaissance « bonne en orthographe » suffisent à le rendre publiable. Des amis ne remplacent pas un éditeur, quelqu’un de bon en orthographe ne remplace pas un correcteur. On voit fleurir un peu partout des livres autoédités bourrés d’incohérences, truffés de coquilles. C’est dommage, car cela jette le discrédit sur le travail d’autres auteurs autoédités, plus sérieux.

    Personnellement, j’ai travaillé une année avec une éditrice sur mon roman. Il a été corrigé par moi-même (évidemment), mais également par deux autres correctrices professionnelles. Le roman a été laissé de côté pendant 7 ans avant la publication, ce qui m’a donné un recul certain sur l’histoire et l’écriture. Et surtout, j’ai eu la chance, pendant des années, d’être en contact avec mon public cible, de voir ce que les gens appréciaient ou pas, ce qu’ils réclamaient, etc. Je pense qu’on peut dire qu’un travail éditorial a été fait. Il a également été accepté par une grande maison d’édition, et même si je n’ai pas signé le contrat pour des raisons qui ont été approuvées par les professionnels de l’édition l’ayant eu entre les mains, cela m’a aidée à franchir le pas. Ma plus grande peur était de proposer à la vente un produit de mauvaise qualité. Savoir qu’il aurait pu être vendu par une maison d’édition reconnue m’a donné confiance en moi.

    Bref, je pense qu’un auteur autoédité qui a fait faire un travail d’éditeur sur son roman mérite ce titre. Quelqu’un qui a juste vaguement relu son roman avant de le mettre sur un site d’impression à la demande a plutôt fait de l’autopublication.

    J’ai eu une chance rare grâce à mes contacts et je suis bien consciente que peu d’auteurs peuvent se permettre un tel travail. Le système du troc de compétences (ce que j’ai fait) est idéal pour ce genre de choses.

    Maintenant, je tiens aussi à dire que tous les éditeurs ne se valent pas, et qu’on voit actuellement fleurir toute une flopée d’éditeurs exclusivement numériques qui effectuent plus un travail de prestataire de services que d’éditeur. Quelqu’un qui n’a pas la moindre formation dans l’édition, qui a un travail à plein temps et qui sort une cinquantaine de romans par an, honnêtement, je ne lui ferais pas confiance. Certes, il peut coller le nom de maison d’édition sur son entreprise, tout comme je pourrais sans doute vendre mes services d’illustratrice sous prétexte que je sais vaguement dessiner. Un travail éditorial demande des mois. Il y a des centaines d’heures de boulot sur un roman de taille moyenne. Ces nouveaux éditeurs exclusivement numériques n’emploient souvent pas de correcteurs ou alors ils paient à coup de lance-pierres des gens incompétents qui vont leur facturer quelques dizaines d’euros la correction d’un roman. À ce moment-là, je me pose la question du bien-fondé d’une telle démarche. Tant qu’à faire, pour avoir un roman non corrigé, qui n’est passé par aucun travail éditorial digne de ce nom, sur lequel on a collé une couverture faite à la va-vite (ben oui, une couverture, ça coûte cher, et vu le prix de vente des livres numériques, c’est difficile de justifier l’investissement de plusieurs centaines d’euros pour ça) et qui est placé sur les librairies en ligne (ce que n’importe qui peut faire), pourquoi ne pas simplement faire le même travail soi-même et garder l’intégralité de ses bénéfices ? Attention, je ne dis pas que les éditeurs exclusivement numériques sont tous des prestataires de services, il y a aussi des gens sérieux qui font un travail exceptionnel, et j’ai la chance d’en connaître au moins un.

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    7 - Le format papier de ton livre est tout simplement magnifique. Peux-tu nous raconter le déroulement de cette aventure et la façon dont tu as procédé pour effectuer tes choix ?

    Merci beaucoup pour ce compliment ! J’avoue que cette « aventure » a plutôt été une torture… J’avais eu l’idée de faire une couverture un peu différente il y a des années, et pour ce qui est de celle-ci, ça n’a pas été SI difficile, une fois que j’ai trouvé une illustratrice dont le style convenait à ce que je recherchais. J’ai un certain sens du graphisme et de la mise en page vu que j’ai longtemps fait du webdesign, mais ma maquette d’origine était loin d’être parfaite, et il a fallu les conseils de deux professionnels pour l’améliorer. Ensuite, il y a eu toutes les horreurs techniques et les bugs quand j’ai recréé la maquette faite sous Photoshop dans InDesign… Je précise aussi que j’ai été malade pendant les deux mois que toute cette aventure a pris, et que n’ayant pas le temps d’aller chez le médecin, je me soignais un peu avec des remèdes de grand-mère… J’étais dans un état d’esprit franchement bizarre, vaguement hystérique, et rétrospectivement, je me dis que j’aurais peut-être dû aller voir un médecin quand même pour me faire prescrire des antibiotiques ^^

    Maintenant, la maquette intérieure, ça a été une autre paire de manches. Déjà, je ne connaissais pas vraiment InDesign. J’avais de vagues compétences sous QuarkXPress, qui dataient d’une demi-douzaine d’années, parce que j’avais lu un livre dessus, mais c’est tout. J’ai donc passé une bonne semaine à me gaver de tutoriels sur la mise en pages de livres sous InDesign. Cela m’a donné les moyens techniques de réaliser la maquette, mais les moyens techniques ne font pas tout. Des années auparavant, j’ai commencé à faire attention aux maquettes intérieures des livres que je lisais. Marges trop grandes, trop petites, texte trop serré, pages trop longues, etc. Tout ce que j’estimais rédhibitoire a été soigneusement catalogué. J’ai regardé les maquettes de livres que j’estimais agréables à la lecture, j’ai décidé d’un format, et j’ai commencé à créer ma maquette intérieure… J’ai la chance d’avoir deux amis dont la mise en pages est la profession. Ils m’ont tous les deux proposé de faire la maquette de mon livre, ce que j’ai refusé, car je voulais tout faire moi-même (oui, je suis un peu psychopathe sur les bords quand il s’agit de mon bouquin). Par contre, ils m’ont donné des conseils, l’un des deux a énormément critiqué tout ce que je faisais, m’obligeant à recommencer sans relâche jusqu’à ce que j’en vienne à passer 18 heures par jour sur InDesign avec les yeux qui se fermaient tout seuls et l’impression de me faire attaquer par les icônes du programme. Au final, j’ai décidé que j’aimais le résultat final, et j’ai enfin pu commencer la mise en pages en tant que telle. Qui a pris énormément de temps aussi.

    En parallèle, j’avais effectué des devis auprès de plusieurs imprimeurs, et j’ai pu remarquer que les écarts de tarifs étaient assez impressionnants (ça allait du simple au triple pour la même prestation). Évidemment, là aussi, j’avais dû me familiariser avec les techniques d’impression, avec le vocabulaire bien spécifique utilisé par les imprimeurs. J’ai finalement jeté mon dévolu sur l’imprimeur qui me proposait le meilleur tarif et, en prime, une impression en offset, et je dois dire que je suis très satisfaite. J’ai été bien encadrée, le directeur a été très sympathique et très présent, la personne qui s’occupait de mon projet était très à l’écoute aussi. Les conseils prodigués par mes amis professionnels ont été indispensables : vu que je voulais du vernis sélectif, tout devenait plus compliqué. Surtout du fait que la couverture était noire et mate, particulièrement fragile. Si on ne m’avait pas dit qu’un emballage individuel était absolument indispensable, j’aurais fait emballer les ouvrages par cinq ou par dix, comme ce que j’avais l’habitude de voir sur les salons.

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    Malgré tout cela, j’ai quand même bien stressé lorsque j’ai ouvert les cartons… Du fait de son design particulier, la couverture allait-elle être imprimée à l’endroit ? Le papier serait-il trop fin ? Le vernis sélectif serait-il placé n’importe comment ? Les pages allaient-elles se détacher ? Étant d’un naturel pessimiste, évidemment, j’avais tout imaginé : les cartons contenaient les livres de quelqu’un d’autre, la couverture était imprimée à l’envers, c’était la bonne couverture mais pas le bon contenu, ils avaient oublié le vernis sélectif, etc. Bref, paranoïa de base J Mais tout s’est bien passé, heureusement !


    8 - Quels sont tes prochains projets ?

    Mes prochains projets ? Finir la réécriture du tome 2 (je réécris tout le début, que j’estime mauvais) puis l’envoyer à mon éditrice, puis le publier. Toute la procédure d’impression sera plus simple pour celui-ci, car j’ai déjà les maquettes, l’imprimeur, et l’expérience glanée lors de la création du premier tome. Et travailler sur le tome 3. Et continuer à écrire la suite…


    9 - Un petit exercice de style pour toi : tu tiens dans tes mains pour la première fois Les Enfants de l'Ô. Qu'est-ce qui se passe dans ta tête et dans ton corps à ce moment-là ? Te remémores-tu tout le parcours effectué depuis le tout début ?

    D’abord, rien ne se passe comme prévu. Le livreur était censé livrer les livres le mercredi, au domicile de mes parents (à 25 km de chez moi). Ayant un rendez-vous ce jour-là, j’écris le lundi à l’imprimeur pour savoir à quelle heure le livreur a prévu de passer, pour que j’annule le rendez-vous si nécessaire. Et là, c’est le drame ^^ La personne qui s’occupait de mon dossier me dit « ah, en fait, il a eu une annulation, donc il passe chez vous tout à l’heure, d’ici quinze à vingt minutes ». Le gros moment de stress. En effet, il n’y avait personne, normalement, au domicile de mes parents… Et même en allant à fond, il n’y avait aucune chance pour que j’y arrive à temps. J’appelle quand même à la maison, et je tombe sur ma mère qui, par chance, était malade ce jour-là (enfin, quand je dis par chance, c’est parce qu’elle était donc restée à la maison, pas parce qu’elle était malade !), mais qui devait partir peu de temps après. Heureusement, le livreur est arrivé juste avant qu’elle parte, et je suis arrivée pas longtemps après. J’ouvre la porte, et ils sont là, dans le hall, tous les cartons… J’ouvre le premier, le stress au ventre. Des enveloppes (oui, j’avais commandé en même temps les enveloppes à bulles, vu que l’imprimeur pouvait m’avoir un prix imbattable). Bon, pas grave, on va ouvrir un deuxième carton. Des enveloppes. Okay… Troisième carton : des enveloppes !!! Là, je me dis, mais c’est pas possible, ils ne m’ont envoyé que des cartons d’enveloppes !!! C’est le moment d’allumer son cerveau et de regarder les étiquettes des cartons, peut-être… J’en repère un où, clairement, ce sont des livres. Je l’ouvre, je vois un truc tout moche, c’est le désespoir. Et là, je me rappelle que j’ai fait emballer les romans individuellement. J’en prends un dans son emballage plastique, je n’arrive pas à l’ouvrir (forcément, hein, je tombe sur LE bouquin qui ne veut pas se déballer), je dois partir à la recherche d’une paire de ciseaux… Là, enfin, le plastique cède, et je vois la couverture. Bon, elle est imprimée à l’endroit, c’est déjà ça ! Le vernis sélectif est placé correctement, c’est un bon point aussi. J’ouvre le livre, le texte est le bon, ouf ! Je le feuillette, c’est bon, pas de pages blanches bizarres ou de texte retourné. Gros soulagement.

    Est-ce que j’ai trépigné de joie partout dans la maison ? Non. Est-ce que j’ai ressenti une vague de bonheur ? Non plus. J’avoue qu’après tout le temps passé sur le processus (création de la structure éditoriale, ouverture du compte en banque, création du site, maquettes, devis, etc.) et le fait que j’étais affaiblie par une bronchite que je traînais depuis deux mois, j’étais juste complètement blasée et juste soulagée que tout cela soit enfin terminé…

    Je pense que j’ai ressenti ce que doit ressentir un éditeur débutant quand le premier bouquin sort. Par contre, j’ai été privée de ce que j’aurais dû ressentir en tant qu’auteur, et c’est bien dommage. Aucune joie, aucun enthousiasme, juste le soulagement que cette étape soit terminée et l’abattement à l’idée de tout ce qu’il restait encore à faire.

    C’est pour cette raison que je ne peux objectivement conseiller l’autoédition telle que je l’ai faite à personne. Mais je tenais à mon vernis sélectif, et pour cela, pas moyen d’utiliser un système comme CreateSpace. Il fallait obligatoirement passer par un imprimeur. Après toutes ces années, je voulais absolument proposer aux lecteurs qui m’avaient tant soutenue un produit qu’ils auraient envie d’avoir dans leur bibliothèque, un produit qu’ils seraient contents d’avoir enfin entre leurs mains. En gros, je voulais qu’ils aient ce que j’avais toujours imaginé pour mon livre. Oui, je suis perfectionniste ! Je suis maintenant récompensée par les compliments que je reçois régulièrement sur la qualité du roman, et quelques critiques commencent à apparaître sur internet. J’ai l’impression que le roman est apprécié, et j’en suis vraiment soulagée ! 

     

    Merci beaucoup Vanessa. Beaucoup de succès à ce premier tome des Enfants de l'Ô !

    Je rappelle que les lecteurs peuvent commander un exemplaire dédicacé de ton livre sur le site internet des Enfants de l'Ô :

    http://lesenfantsdelo.com/

    Ou bien se le procurer en version numérique sur Kobo ou Amazon.

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