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La permission
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Excuse-moi de te faire du mal, Marie, de ne pas trouver aisément les mots que tu aurais envie d’entendre, et les preuves d’amour dont tu aurais tellement besoin pour y voir plus clair en toi et en nous. Il est vrai que je suis quelque peu désorienté, en ce moment. La vie à droite, à gauche, intégrer une section, se faire aux règles, se faire des amis, changer de section, se retrouver planté là comme au tout début, devoir tout recommencer une nouvelle fois, et puis partir, revenir, prendre le train, ne pas avoir le temps de se parler, ne plus se souvenir, chercher ses repères, suivre les rails, obéir au sergent, cirer ses rangers, monter dans le camion, piloter le char, dormir sur le terrain, effectuer la sentinelle de nuit, subir les revues d’armoires, les travaux d’intérêt généraux, la marche au pas, les brimades, le chant de la deuxième Division Blindée, le garde-à-vous, le salut au drapeau, la Marseillaise, « Vous êtes tous en civil sur la place du rapport dans cinq minutes ! », le jogging en short sous la neige, le tir au fusil d’assaut, les flaques, les ronces, les branches, le camouflage, le casque lourd, l’arme en sautoir, « Réveil ! », « levez-moi ces mentons ! », « le casque lourd ne se range pas à gauche : il va à droite … », et pan ! le casque lourd qui traverse la pièce, « même chose pour le pull ! », vlan ! une armoire entière qui te passe au-dessus de la tête, les rangers trop petites, les ampoules en sang, ne pas pouvoir les changer avant la fin des classes, « Affirmatif, Sergent ! », « Reçu, mon Lieutenant ! » … Tout ça, j’en ai marre ! J’en ai ma claque, je craque !<o:p></o:p>
J’ai … Quel âge, déjà ? Tu vois : il faut même que je calcule … Vingt-deux ans ! J’ai passé l’âge des conneries, j’ai une vie à construire, moi, une indépendance à acquérir … Encore trois années d’études avant de pouvoir exercer un métier. Trois ans de galère, de projets d’archi à terminer la nuit, à tenir le coup à force de café et de vitamines … Savent-ils cela ? Ont-ils seulement conscience, de cela ? Sont-ils au courant de la misérable condition existentielle de notre époque ? J’ai choisi de me battre contre cela, j’ai choisi une voie royale, celle qui correspond à mes désirs les plus intimes : est-ce un sacrilège, que de vouloir faire ce qui nous plaît, aujourd’hui ? J’ai choisi de me battre, pour y arriver. Je suis prêt à partir à Taiwan, en Australie ou sur les îles Galápagos, s’il le faut ! Apprendre l’anglais, le mérovingien ou le thaïlandais brésilien, si cela est indispensable ! Et l’on vient m’emmerder pour un service national obligatoire ? Une pénitence de dix mois, à effectuer parmi les dix mois sans doute les plus importants de ma vie ?<o:p></o:p>
Je ne tiendrai pas jusqu’à la fin ! C’est sûr ! J’ai horreur du temps gâché, de la médiocrité, de la discipline et de la hiérarchie injustifiée ! Les hommes qui nous commandent sont des idiots : comment supporter une telle hérésie ?<o:p></o:p>
Alors voilà, je ne suis peut-être jamais le même, en fonction de là où l’on se voit, en présence de qui l’on sera, mais j’aimerais seulement te demander un peu de patience, car je suis quelqu’un qui ne sait plus très bien où il en est.<o:p></o:p>
Et, pour être sincère, je pense que tu n’as pas le droit d’exiger de moi que je te fasse croire le contraire.<o:p></o:p>
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Commentaires
1visiteur_LiliputMercredi 13 Septembre 2006 à 16:19Bregman aurait-il ? soldat ?!Répondre2charliebregmanMercredi 13 Septembre 2006 à 23:56
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