• Sixième sens et sept essences

        Rien à entendre, rien à regarder. Pas d’odeur, pas de corps. Pourtant, ça bouillonne. Comme s’il fallait du temps, de la digestion, de l’analyse et du recul.
        Par moment, mon corps me brûle. Cela fait comme des échardes, que l’on m’appliquerait de l’intérieur. Ma peau est sèche, rugueuse. De ce bouillonnement s’échappe parfois de minuscules petites bulles de conscience. Ma peau devient alors rouge sang et me démange. Si par malheur je la gratte, c’est fichu. La brèche est ouverte. Attention : psoriasis ! La maladie gagne du terrain, et je continue à la nier, à faire comme si elle n’existait pas, comme si elle n’était qu’illusion. Chaque jour, cependant, elle avance. Le bouillonnement devient incessant. Toute contrariété devient brûlure. Mes nerfs se nouent. Mon estomac se tort, mes chevilles me démangent, ainsi que mon torse, mon dos … Que faut-il faire ? Consulter ? Consulter qui ? Dire quoi ?

        Je somatise, Docteur.
        Je ne sais pas ce que j’ai, mais je somatise. Trouvez-moi l’origine de ce dérèglement stupide, s’il vous plaît ! Il y aurait bien des mots pour décrire tout ça, mais vous vous doutez bien que si je les possédais, je ne somatiserais pas ! C’est à vous de me dire, Docteur … Qu’est-ce que j’ai ? Je suis trop fragile, c’est ça ? Je ne suis pas fait pour vivre dans votre monde ? Trop sensible, peut-être ? Oui, c’est ça. Je dois être trop sensible. On me l’a déjà fait remarquer, ça. Il est même possible que je sois atteint d’hypersensibilité. C’est comme ça que ça s’exprime, donc. Par la peau. En gros, l’émotion reste à l’intérieur de moi, et c’est elle qui me dicte la conduite à tenir. Toute la journée, j’emmagasine des impressions
    , des états d’âme, des états d’esprit, des contrariétés, des colères, des non-dits, des mensonges, des hypocrisies, et mon corps, telle l’éponge assoiffée d’humidité, garde le tout sans que personne ne puisse venir s’en resservir la moindre gouttelette.

        Voilà. C’est à peu près ça, Docteur. Je souffre d’un problème d’identité peu commun : je me comporte telle l’éponge. En apparence, je suis à peu près normal, mais à l’intérieur, tout ce qui se dégage d’autrui me ronge. Hypersensibilité. Si vous voulez. Je parlerais presque de sixième sens, vous savez. Mais je ne sais pas si c’est bien approprié. L’essence des gens, je m’en imprègne comme le nez s’imprègne d’une odeur. Ils n’ont pas besoin de me mettre au parfum, comme ils disent. Ils n’ont pas besoin de sentir fort et de ne pas se laver le linge en famille : je sais déjà tout. C’est déjà en moi. Parfois avant même qu’ils en aient conscience eux-mêmes, peut-être. Inutile de me « mettre au courant », je suis déjà « branché » sur la même longueur d’ondes. Regarder un être dans les yeux me suffit à connaître tout de sa sincérité, de ses mensonges et de ses vices. Ce doit être ça, qui ressort, Docteur. Appelez ça du psoriasis, si cela vous enchante. Je sais bien que cela vous rassure de pouvoir mettre un mot sur un mal que vous ne sauriez soigner. Je vous le dis, moi : ce psoriasis là est avant tout problème de vocabulaire. Car une éponge s’imprègne de son environnement, mais cela lui suffit-elle à en rendre une analyse détaillée ne serait-ce qu’exhaustive ? Moi, l’essence des autres me pénètre mais je ne sais comment la restituer. Peut-être me suffirait-il de trouver une oreille sur laquelle me pencher ? Admettons que je trouve cette oreille… Quels sont les mots que je pourrais lui transcrire ? L’essence des gens est ineffable ! Cela se ressent une fois pour toutes, mais cela ne s’explique pas. En tout cas, ce vocabulaire là, je ne l’ai pas. Un aveugle qui voit pour la première fois sait-il mettre les bons mots sur les émotions
    qui s’engouffrent à travers son œil ?

        Ce n’est donc pas un docteur qu’il faut que j’aille trouver. Pas un psychologue non plus, car celui-là s’acharnera à vouloir sortir des choses qui ne m’appartiennent qu’à moi, alors qu’il serait tellement plus intelligent de commencer par m’enlever d’abord toute de la matière qui me squatte et ne m’appartient pas !
        Pas un docteur, pas un psychologue, mais un linguiste, donc ! Quelqu’un qui saura m’effectuer une traduction plus ou moins précise de ce qui s’engouffre en moi. Car celui qui saura nommer saura faire évacuer.
        Mais qui ?

        Un aveugle saurait-il aider un voyant, en ce qui concerne l’explication de ses visions ? Non, je ne le crois pas. C’est même une certitude. Non. Infiniment non. Définitivement non. Il me faut donc dénicher celui ou celle qui comprend de quoi je parle. Quelqu’un qui est déjà passé par là. Quelqu’un qui sait placer des mots sur ses impressions. Quelqu’un qui sait traduire, en langage, l’essence même des êtres.

        Commençons par un "linguiste"
    , donc, à défaut de pouvoir trouver mieux !

        Quelles sont les émotions premières qui composent les essences dont je m’imprègne chaque jour davantage, à mon insu ? Le problème n’est pas facile. Tout le monde n’a pas le nez qui permettra de décomposer les éléments, même élémentaires, qui constituent en majeur partie le parfum que l’on respire sans étiquette. Qu’est-ce donc là ? Chèvrefeuille ? Jasmin ? Rose ? Musc ? Est-ce épicé ? Est-ce salé ?

        Me voilà confronté à une bien étrange réalité. Moi, la victime du psoriasis, n’aurait pas d’autre remède que de me créer mon propre vocabulaire, mes propres codes, mes propres repères, afin d’y voir plus clair en ce brouillard malsain et irrespirable…
        La musique a ses gammes de notes. La peinture, sa palette de couleurs. J’ai vu autrefois mes mains grandir sur un clavier de piano, et l’on m’a également bien assez ennuyé avec les teintes exactes du cercle chromatique pour que je connaisse mes classiques. Do ré mi fa sol la si do, je connais. Rouge, orange, jaune, vert, indigo, bleu, violet, c’est pareil. Mais en ce qui concerne les émotions ? Y en a-t-il sept, également ?
        Y en a-t-il sept qui importent toutes également, et sans lesquelles il ne saurait y avoir d’équilibre musical ou harmonique entre elles ?

        Y en a-t-il sept, sans lesquelles aucune composition n’est possible entre chacun des êtres qui les émettent ?
       
     






      

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  • Commentaires

    1
    visiteur_M.J.
    Dimanche 18 Mai 2008 à 22:05
    Je vous ai envoy?n mail personnel. Je crois avoir des choses importantes ?os faire part.
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    2
    visiteur_Anouchka
    Vendredi 23 Mai 2008 à 13:28
    7, c pas sur, mais c compliqu?t souvent entremel?les ?tions...
    3
    visiteur_bregman
    Samedi 24 Mai 2008 à 10:38
    MJ -> Merci. Nous sommes visiblement sur la m? longueur d'ondes ;)
    Anouchka -> Oui, c'est compliqu?d'autant plus que les ?tions sont parfois des leurres : une ?tion peut en cacher une autre !
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