• Z-machine

    La plus grande découverte depuis l’invention du feu.
    La Z-machine : trois milliards et demi de degrés en laboratoire.

     

     
    On pourrait dire que cette immense découverte, fortuite, constitue la première perspective de solution à échelle planétaire pour l’énergie, qui permette de fournir celle-ci de manière illimitée à tous, de faire en sorte que la Chine et l’Inde puissent se développer sans décupler la pollution. Cette énergie peut permettre de dessaler de l’eau de mer et de transporter cette eau douce par pipelines vers des régions où celle-ci manque cruellement. En parallèle, c’est aussi une perspective de dissémination complète d’armes d’une puissance illimitée, d’autant plus dangereuses qu’on peut, cette fois, les employer ; pas de pollution, pas de radioactivité et pas d’hiver nucléaire : la « bombe idéale »...
     

    Une machine plus simple qu’il n’y paraît

    Cet article fait suite à un papier publié dans le numéro 78 de La Grande Époque concernant la Z-machine.

    Dans ce qui suit nous allons donner quelques éclaircissements techniques. La photo illustrant l’article précédent, largement reproduite un peu partout, n’était guère éclairante. A quoi ressemble cette Z–machine ?

    Tout part des travaux de Gerold Yonas au début des années soixante-dix, à Sandia. A cette époque celui-ci envisage une fusion par faisceaux d’électrons. Sa machine est avant tout un puissant générateur électrique affectant la forme d’un camembert de 33 mètres de diamètre et de six mètres de haut, comportant une quinzaine d’unités délivrant des impulsions électriques sous forte tension et forte intensité.

    Initialement, chacune de ces unités se comporte comme un « canon à électrons », visant une cible sphérique, une sphère creuse contenant un mélange de deutérium et de tritium. Mais Yonas ne parvient pas à obtenir une focalisation suffisante pour obtenir la montée en température souhaitée. La fusion par faisceaux d’électrons est donc abandonnée et la machine reconvertie pendant trois décennies en simple générateur électrique alimentant un « compresseur MHD » : un objet d’une grande simplicité, simple cylindre de cuivre de quelques centimètres de rayon et d’axe vertical, donc d’axe OZ (d’où cette terminologie générale de Z-machines). On fait passer le courant dans le sens vertical, le long des génératrices du cylindre, lequel est simplement pincé entre deux électrodes en forme de disques.

    On appelle un tel montage un « liner ». Le passage d’un courant entraîne l’apparition d’un champ magnétique, qui lui-même réagit sur ce courant à travers des forces de Laplace, centripètes, lesquelles tendent à faire imploser ce cylindre de cuivre selon son axe de symétrie à très grande vitesse (plusieurs centaines de kilomètres par seconde). Au passage, celui-ci se volatilise et se transforme en plasma. Mais les plasmas sont instables et le courant cesse vite de circuler de manière régulière, bien symétrique dans ce cylindre au détriment de sa focalisation sur l’axe. Yonas a l’idée de remplacer cet objet par un ensemble de 240 fils fins comme des cheveux. Il espère ainsi, tant que ceux-ci ne se volatilisent pas, préserver le plus longtemps possible l’axisymétrie de l’ensemble.

    Il place au voisinage de l’axe une cible constituée par un cylindre de polystyrène, de deux centimètres de diamètre et de quatre centimètres de hauteur. Schématiquement, le liner transformé en plasma est censé comprimer ce cylindre lequel, en s’échauffant, émet des rayons X. Au départ, l’équipe n’espère guère dépasser 100.000°. Et puis quelqu’un a l’idée d’enlever cette cible centrale en mousse. Et là, surprise : le liner à fil, en implosant produit une température de près de deux millions de degrés.

    Il s’avère que les fils ne se volatilisent pas aussi vite qu’on aurait pu le penser. Or, si un rideau de plasma est instable vis-à-vis « d’instabilités MHD », un ensemble de fils ne l’est pas. D’où une meilleure focalisation. Dans son communiqué de 1998, l’équipe de Sandia, vingt ans après sa création, se remet à espérer réaliser la fusion deutérium-tritium en considérant comme non-impossible le fait d’atteindre une température de 50 millions de degrés.



    Nouveau coup de théâtre. En remplaçant les fils de tungstène par de simples fils d’inox, la focalisation s’améliore et permet de transformer cette cage constituée de fils en un cordon de plasma d’un millimètre et demi de diamètre. Le champ magnétique au voisinage de ce cordon atteint la fantastique valeur de 4.500 teslas. Les forces de Laplace, produit de l’intensité du courant électrique qui parcourt ce cordon de plasma par celle du champ magnétique associé font que ce mince cylindre constitué d’ions métalliques et d’électrons se trouve soumis à la fantastique pression de quelque 90 millions d’atmosphères.

     

    Mais il y a plus déconcertant encore. Nous côtoyons chaque jour des milieux « bitempératures » qui sont les tubes au néon. Dans ces tubes les atomes de néon s’ionisent. Le milieu se transforme en plasma, mélange d’ions et d’électrons libres. Dans ces tubes, tandis que les ions restent à la température ordinaire, « le gaz d’électrons » monte à des milliers de degrés et, cédant son énergie à un enduit fluorescent, crée l’émission de lumière.

    L’expérience de Sandia ouvre la porte à un nouveau type de plasmas où c’est exactement l’inverse : la température des ions y est cent fois plus élevée que celle du « gaz d’électrons » ! Jusqu’en 2005, le fait que le fin cordon de plasma ne soit pas écrasé sous l’action des forces électromagnétiques ne pouvait s’expliquer que si la température des ions fer dépassait deux milliards de degrés. Mais cette température était « déduite ». Fin 2004-début 2005, le laboratoire effectue enfin une mesure de celle-ci par spectroscopie, selon une méthode classique fondée sur la mesure de l’élargissement des raies dues à l’effet Doppler (grâce à laquelle on mesure entre autre les températures des atmosphères stellaires). Haines, théoricien de l’équipe, ancien directeur du laboratoire de physique des plasmas de l’Imperial College de Londres et Chris Deeney, responsable de l’expérimentation publient ces résultats dans la prestigieuse revue Physical Review Letters le 24 février 2006. Alors que l’article titre « Au-delà de deux milliards de degrés », les mesures indiquent que cette température des ions évolue en fait, en croissant, de 2,66 à 3,77 milliards de degrés !

    On observe alors un phénomène singulier. Alors que le diamètre du cordon de plasma, après être passé par une valeur minimale se remet à croître, sa température… continue de s’élever, preuve qu’il bénéficie d’un apport d’énergie suffisamment puissant pour pouvoir compenser un refroidissement dû à la fois à sa détente et au fait qu’il émet des rayons X. Dans son papier, Haines tente de montrer que la source de cette énergie se trouve dans le champ magnétique qui emplit l’espace entourant le plasma, le transfert d’énergie mettant en jeu « des instabilités MHD ».

    Autre remarque d’importance : l’analyse soigneuse des résultats d’expérience montre que c’est l’ensemble du cordon de plasma qui est porté à une telle température et qu’il ne s’agit pas de phénomènes locaux de surchauffe, liés à des instabilités, qu’on appelle des « points chauds ». Il s’agit bien d’une avancée majeure en matière de physique. Cette température dépasse celle obtenue au cœur des… bombes à hydrogène (500 millions de degrés).
    Il n’est nullement nécessaire « d’attendre que d’autres équipes confirment un tel résultat », totalement reproductible et fondé sur des méthodes de mesure éprouvées. Le 8 mars 2006 le labo de Sandia fait état à son tour de cette avance dans son site :
    www.sandia.gov/news-center/news-releases/2006/physics-astron/hottest-z-output.html

     

    Quelles sont les applications ?


    Au plan militaire ce sont des bombes à « fusion pure », mises à feu sans utiliser une bombe A comme « allumette ». Les bombes H en général ne fonctionnent pas avec un mélange d’isotopes de l’hydrogène (le deutérium et le tritium) mais avec un explosif solide, l’hydrure de lithium Li H. Cette fusion est « a-neutronique » qui ne produit que des noyaux d’hélium et pas de neutrons. C’est l’allumette, la bombe A qui est polluante et engendre de la radioactivité à tout va.

     

    La suite logique consiste donc à disposer selon l’axe du système une cible sous la forme d’un fil d’hydrure de lithium, solide. Mais quatre mois après la fracassante publication faite par Haines et Deeney, aucune nouvelle ne filtre désormais des Laboratoires Sandia sinon à travers ce qu’on pourrait appeler une information « indirecte ». Dans son numéro du 13 juin dernier, le Los Angeles Times annonce que le Congrès Américain prend la décision de remplacer les 6.000 ogives nucléaires des États-Unis par de « nouvelles bombes », à l’étude depuis un an à Los Alamos et à Livermore :
    www.latimes.com/news/nationworld/nation/la-na-bombs13jun13,0,2494165.story?coll=la-home-headlines

     

    Quelques semaines plus tard, cette question du remplacement des têtes nucléaires est soulevée à la Chambre des Communes, en Angleterre. De tels travaux tombent immédiatement sous le coup du secret défense. On peut même s’étonner qu’un tel résultat ait pu être divulgué. Si l’on peut concevoir une bombe à fusion sans bombe A faisant office d’allumette, il y a risque de dissémination de cette arme à l’échelle planétaire puisque pour se doter d’un tel engin, il ne sera plus nécessaire de passer par la filière coûteuse, compliquée et peu discrète de l’enrichissement isotopique.

    Dans un prochain article, nous expliquerons comment on peut très vite passer de la lourde installation de Sandia à une bombe opérationnelle, compacte, de quelques centaines de kilos, les dizaines de millions d’ampères étant générés par un explosif. Au passage, cette « bombe verte », non polluante n’a plus de limite inférieure de puissance. On pourra donc l’utiliser, d’autant plus qu’elle n’engendre ni radioactivité ni pollution.

    Ce système à « fusion pure » débouche aussi sur un bouleversement complet de l’industrie spatiale, avec l’apparition de propulseurs à très forte impulsion spécifique, rendant possible toute l’exploration du système solaire par l’homme. Autre futur dossier.

    Enfin il restera le troisième volet : le passage à un générateur électrique axé sur cette fusion inertielle, qui constitue peut être « le plan de sauvetage de l’humanité ». En effet on trouve du lithium à profusion partout, ne serait-ce que… dans l’eau de mer !

    Les Américains, un an avant cette percée, avaient décidé de mettre en chantier le système « ZR », successeur de la Z-machine qui sera opérationnel début 2007. L’intensité électrique produite passera alors de 18 à 28 millions d’ampères. Selon les calculs, la température des ions devrait alors frôler les dix milliards de degrés, température qui règne au cœur d’une supernova. Le coût de cette machine est de 61 millions de dollars : le deux centième d’ITER.

    Il existe des Z-machines dans tous les pays où on effectue des tests de résistances des ogives nucléaires au flux de rayons X émis par les armes anti-missiles, mais cellesci ont des puissances sensiblement plus faibles. Il en existe en Russie, en Chine. En Angleterre « Magpie » développe 1,5 millions d’ampères. En France ECF monte à 2,5 millions d’ampères et se trouve implantée dans le laboratoire militaire de Gramat, dans le Lot.

    Il y a trois ans l’équipe travaillant dans ce laboratoire avait le projet de construire une installation développant 60 millions d’ampères. Le coût était identique à celui de la machine ZR américaine de Sandia, pour un ampérage double. Confrontés à l’indifférence générale, ces chercheurs partirent les uns après les autres aux Etats-Unis. L’un d’eux travaille même maintenant chez… Yonas, à Sandia. Aujourd’hui cet appareil français n’est plus servi que par des étudiants et des techniciens. Il n’y a plus de véritable physicien pour piloter les expériences.



    De toute urgence, les Européens devraient construire immédiatement une Z-machine assez puissante pour pouvoir au minimum rééditer les travaux effectués à Sandia et entrer, avec un coût deux cents fois inférieur à celui d’ITER dans la course menant à la fusion a-neutronique, ne dégageant ni radioactivité ni pollution, seulement… de l’hélium.

     

    Pour plus de détails, voir sur le site de l’auteur : www.jp-petit.com/nouv_f/nouveau.htm

    Jean-Pierre Petit est ancien Directeur de Recherche au Cnrs et spécialiste de physique des plasmas.

     


     

     

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