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Trop cher
— Non, non, non et non. Il est gonflé, tout de même ! Nous avions convenus un tarif qui allait très bien et il ose me faire parvenir une augmentation de plus de 50% ? Il est fou, ou quoi ? Ah, ces jeunes ! Ils sont à côté de la plaque. Ils veulent tout gagner tout de suite. Pas six mois qu’il est à son compte, et il a la prétention de s’aligner avec la concurrence… Voyons, voyons… Qu’est-ce qu’il écrit, déjà ? Il reste 30% moins cher que la concurrence ? Ah ah ! C’est ça, c’est ça…
— C’est vrai, j’ai vérifié sur le site. Il est moins cher.
— Oui mais c’est pas comparable, il est auto-entrepreneur, lui !
— Ben non, il passe en Portage de salaire. Il va être taxé à 50% comme nous…
— Ah oui mais même. Je ne peux pas lui filer 8000 euros pour un mois de boulot, voyons !
— Tu veux faire comment ? On a personne à mettre sur le dossier, en interne, je te l’avais dit qu’on a trop licencié de gens…
— C’est pas grave, on va rembaucher. Si on prend des petits jeunes mal renseignés et pas beaucoup formés, ça restera une très belle opération.
— Tu vas pas donner les plans d’exe de notre première opération de promotion immobilière à un petit jeune, quand même ?
— Hum…
— On a pas le choix de lui dire oui, tu le sais bien. Après tout, la vente sur plans s’est bien passée, on ne prend pas beaucoup de risques, sur cette opération.
— Voyons voyons… 3500 mètres carrés à 2200 euros le mètre carré environ, ça fait 7,7 M€. Revendus à 3500 mètres carrés par 4200 euros le mètre carré, ça fait 14,7 M€… Ce qui fait une marge de 7 M€. A déduire : le prix du terrain et le coût des études diverses, le temps passé et les heures des salariés, les honoraires des agents immobiliers, en étant pessimiste, ça fait 5 M€ de marge à se partager entre nous deux… Mouais…
— Il en reste pas mal, non ?
— Ben, si tu tiens compte qu’on ne touchera pas l’argent avant l’année prochaine, ça fait pas tant que ça…
— Tu veux chercher un autre sous-traitant ?
— On va voir ce qu’on peut faire en interne. On a qu’à leur mettre la pression et leur faire miroiter la prime sur le PEE en fin d’année. Avec le temps qu’ils passent à la machine à café, je suis sûr qu’on doit pouvoir résoudre ça à moindre coût. Tu t’en occupes ?
— Comme tu veux. J’appelle Yvan.
— En plus, comme on était passés aux trente-cinq heures et qu’il va falloir repasser aux trente-neuf, ça va nous coûter de l’argent. Non non, il faut vraiment minimiser les frais. Il n’a qu’à revoir ses tarifs, le Charlie, s’il veut continuer à bosser avec nous. Tu te rends compte que ce qu’il demande, c’est 0,1% du montant global des travaux ?! Niet. Ça va lui faire du bien, de cogiter un peu. Il va regretter d’avoir voulu voler de ses propres ailes. C’est une bonne leçon à lui donner, et si tout va bien, dans six mois, il vient nous supplier de le rembaucher. Et là, mon ami, crois-moi que ce ne sera pas au même salaire qu’avant !
— T’es un génie.
— Tu crois qu’on devient patron par hasard ?!
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Tags : capitalisme, profits, croissance, négociations, ambition
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Commentaires
1FreezeDimanche 27 Février 2011 à 21:27Hilarant de vérité cruelle ! Bravo !Répondre100% presque vrai ;-)3AlgwenMercredi 9 Mars 2011 à 00:00C'est malheureusement un discours qui revient souvent. Plus l'entreprise fait des bénéfices, plus les patrons réduisent la main d'oeuvre et les outils de travail. On marche sur la tête! Il a du être content le Charlie!Content d'avoir côtoyé la nature humaine dans tous ses états… et content surtout d'avoir su la fuir lorsqu'il le fallait ;-)Suivre le flux RSS des commentaires
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