• je suis venue vous e-dire marie fontaine

    Après l'excellent Gemini, l'auteure Marie Fontaine récidive avec un recueil de nouvelles d'un style implacable, maîtrisé à la perfection, aux chutes tantôt d'une noirceur indélébile, tantôt aux confins des mystères de l'âme humaine.

    En poussant ses personnages dans leurs pires retranchement, l'auteure décortique l'âme humaine dans ce qu'elle est capable de pire comme de meilleur, au plus grand plaisir jouissif du lecteur : comme un chat jouant avec sa souris, ne leur donnant souvent le coup de grâce qu'au détour de la dernière phrase, Marie Fontaine nous prouve encore une fois la finesse de ses mises en scène, la totale maîtrise de l'art de la chute, son indiscutable talent narratif, et la précision quasiment médiumnique de l'e-plume qui lui sert de scalpel… et qui n'épargnera - on commencera à le savoir - aucune médiocrité de caractère.

    Parfois, on se surprendrait presque à espérer plus d'empathie finale, mais Je suis venue vous e-dire résonne alors de plus belle comme un ultime avertissement que l'on aurait tort de prendre à la légère, car de ce recueil aux inspirations variées, s'il devait en ressortir une seule thématique commune en filigrane, ce serait certainement la solitude et l'impuissance des êtres face à leurs destinées au sein d'un monde en perdition.

    Mes nouvelles préférées : Armistice de la guerre des porcs, une élève trop effacée, le facteur, rendez-vous dans mille ans…

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  • Par manque de temps, j'ai un peu tardé à publier un petit article au sujet des aventures de Zébu Chaton au Vietnam

    Plus la peine de présenter Gwënola Guillou, les habitués du blog savent déjà combien j'apprécie son style et son panache, mais est-ce que la lecture du premier opus des aventures de Zébu vaut vraiment le coup ?

    (roulements de tambours…)

    J'avoue avoir été un peu surpris par la richesse littéraire du texte. Non pas parce que je ne croyais pas Gwënola en être capable, loin de là (sa critique de Vivement l'amour trahissait une excellente maîtrise de la plume), mais parce que d'ordinaire, les livres pour enfants ont un style plus proche de Marc Lévy (sans pour autant jeter la pierre à cette forme de littérature, car j'en suis également assez fan). Les mots sont soigneusement choisis et le voyage auquel nous invite Zébu est non seulement une évasion planante au Vietnam (bon, le terme "planante" n'est pas forcément très approprié, mais c'est uniquement pour faire référence au cerf-volant, hein !) mais aussi, et cela reste le principal à mes yeux, une invitation au plaisir de la lecture.

    On se surprend rapidement à adhérer complètement à cette histoire de petit chat qui rêve de se prendre pour un oiseau.

    On se surprend à éprouver de la tendresse pour ce Zébu courageux et ce Moineau tout complice, à sourire à la présentation de leur amie Gibbonnette, et à croiser les doigts très fort pour que cette histoire (et surtout notre petit chat préféré) retombe sur ses pattes !

    En plus d'avoir vécue au Vietnam, Gwënola a forcément été chat un jour, pour écrire ce livre-là. On a les odeurs du pays qui se dégagent des pages, des envies de cuisine asiatique qui font leur apparition, mais tout cela à pas de velours et avec une agilité littéraire assez déroutante.

    Voilà un livre familial, pour les petits (Bichounette a adoré) ou grands. Educatif et distrayant à la fois.

    Et pas besoin de commander un baume du tigre avec le livre… car il ne vous donnera pas la migraine !

     

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  • Il y a des lectures fortes qui vous marquent profondément, parce qu'elles résonnent en vous comme si elles se mettaient à l'unisson avec ce qu'il peut nous rester d'âme, dans ce monde quotidien où les idéaux n'ont pas leur place.
    GEMINI (1) est de celles-là.


    Non satisfaite d'avoir un style maîtrisé sur le bout de la plume, de ne rien avoir à envier à Nietzsche ou Lautréamont, Marie Fontaine(2), l'auteure — que dis-je, auteure, le génie qui se cache derrière le texte ! — nous propose un roman court (180 pages), mais d'une efficacité redoutable, dans lequel le suspens, l'intelligence, l'amour et le cynisme s'accordent à merveille de l'avant-propos, mise en bouche plus que prometteuse, au dénouement, qui est une vraie cerise sur le gâteau à lui tout seul.
    La nature humaine tout entière n'échappe pas à son regard avisé. Par le biais de son personnage principal dont je me dois de ne pas vous révéler le secret, Marie Fontaine pointe les absurdités et les paradoxales normalités de ce qui est devenu, il faut bien le reconnaître, notre monde actuel.


    Tremblez, jeunes insolents ! Continuez de vous croire à l'abri, vieux retraités ! Vos comportements, vos arrogances, votre bêtise et votre nombrilisme exacerbé échapperont-ils à ce meurtrier mystérieux auquel on se surprend secrètement de vouloir s'identifier ?


    Publiée par l'association Leda Editions, Marie Fontaine mérite amplement que l'on parle d'elle, que l'on fasse savoir qu'il existe une littérature de qualité au-delà des présentoirs sur lesquels on a plutôt l'habitude de trouver — qu'elle me pardonne ces petits extraits du livre — "le dernier Levo" (Non, c'est vrai ?), "deux Musseau" (Je t'ai perdue ; je t'ai retrouvée), "un Cavalcada" (L'échappée moche — c'est mon préféré, celui-là, allez savoir pourquoi…) ou un "Panfol" (Le jerk rapide des crocodiles, mdr).

    Loin des formulations moralisatrices ou du cynisme désespéré, le livre se termine en beauté, puisqu'entre les lignes demeure l'amour.
    Mais entre les lignes, de qui, de ses lecteurs épargnés, M-A-R-I-E saura-t-elle se faire A-I-M-E-R ?
    N'attendez pas que quelqu'un d'autre vous le répète : foncez chez elle, et procurez-vous au plus vite ce texte excellent et jubilatoire !

    Un petit extrait ?

    Tous ces vieillards étaient au demeurant fort sympathiques, toujours souriants, toujours prêts à compatir à la misère humaine. Ils allaient jusqu'à s'offusquer gravement ou même verser une larme devant les drames que vivaient quelques-uns de leurs semblables, savamment mis en scène et distillés aux infos quotidiennes par le dieu télé. Coupés du monde, ils macéraient dans une solitude qu'ils décriaient alors même qu'ils en étaient les seuls responsables, persuadés que le privilège de leur grand âge les dispensait d'aller vers les autres ; c'était à ces autres d'aller vers eux. Leur vision du monde réduite aux seules images aperçues sur l'écran de leur téléviseur, ils étaient incapables d'ouvrir les yeux sur la misère bien réelle qui sévissait dans leur ville, leur quartier, leur rue ou même leur immeuble. Une misère aveugle qui pouvait atteindre un parfait inconnu aussi bien qu'un membre de leur propre famille. Il aurait sans doute fallu que Damien passe à la télé pour que son auguste aïeul se rende enfin compte de sa détresse.

    Marie Fontaine — Gemini — Roman pseudo-policier

             

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