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    daniel_Ichbiah_guitare

    Daniel Ichbiah, tu es écrivain, journaliste, rédacteur en chef de Comment ça marche, auteur compositeur… Peux-tu nous résumer brièvement ton parcours, nous détailler un peu plus précisément chacune de tes spécialités, et nous parler de qui te plaît le plus parmi tes différentes activités ?

    Vaste question ;-)). Toutefois, la réponse est aisée : composer, écrire des chansons est de loin l’activité la plus fabuleuse. Une chanson, c’est un art à part entière car en deux ou trois minutes, il faut toucher les gens, susciter quelque chose, les faire entrer dans un univers. L’avantage, c’est que l’auditeur est interpellé par divers éléments : la beauté de la mélodie, l’impact de certains mots, l’intervention de certains instruments… D’une certaine façon, écrire et jouer des chansons en public m’a appris une loi qui à mon sens, s’applique à tous les arts : il faut régulièrement qu’il se passe quelque chose de ‘remarquable’, quelque chose qui renouvelle l’attention. C’est notamment vrai dans un roman, il faut régulièrement qu’un événement intervienne, qui conserve l’attention du lecteur en alerte. Pour ce qui est d’une chanson, c’est un processus très particulier. Parfois, tu remplaces un mot par un autre et le public est conquis, c’est pour cela que c’est un art très à part. Changer une suite de mots par ci par là peut avoir un impact énorme. Je connais peu de joies aussi énormes que de jouer en public. Et au départ, ce n’est pas évident. Les gens sortent de leur boulot, ils sont peut-être encore préoccupés par ce qui s’est passé durant la journée, ils ne sont pas forcément ouvert à accepter un univers qu’ils ne connaissent pas. Si l’on se débrouille bien, ils entrent immédiatement dedans. L’impact des mélodies, du texte, la chanson que l’on place en premier, tout cela y contribue… Il existe un autre élément extraordinaire, c’est le fait de jouer en groupe. À certains moments, il se produit une sorte de contact télépathique entre les musiciens, quelque chose d’inexplicable. Le bassiste ou le batteur va jouer exactement ce qu’il faut pour compléter harmonieusement ce que tu fais à un moment donné, ces moments là sont indescriptibles…

     


    10 Fois par jour (Paroles et musique de Daniel Ichbiah) par Denis4

     

     

    Bill_Gates_et_la_saga_de_MicrosoftJe crois que tu as publié une soixantaine d'ouvrages. Comment es-tu arrivé à l'autoédition alors que tes livres figuraient dans les catalogues d'éditeurs traditionnels ? As-tu bataillé pour récupérer tes droits ?

    Il se trouve juste que j’avais énormément de livres qui "dormaient", qui n’étaient plus exploités. Et certains d’entre eux avaient connu un beau succès, comme la biographie de Bill Gates qui avait été un best-seller mais que Pocket avait cessé de publier en 2007 (après sa sortie en 1995). Pour un éditeur, conserver un livre au catalogue n’est pas forcément rentable : il faut le stocker quelque part alors que la demande s’amenuise d’année en année, continuer de verser ses droits à l’auteur et donc tenir une comptabilité alors que ces droits peuvent devenir ténus. Donc, beaucoup d’éditeurs, au bout d’un moment, préfèrent redonner à l’auteur les droits de son livre.
    Rock_VibrationsJ’avais également le cas d’un livre, ‘Rock Vibrations’ qui n’a pas vraiment eu sa chance : l’édition a fermé peu après la sortie du livre. Or, ce livre me semblait toujours avoir un potentiel ; il raconte comment des tubes tels que « Satisfaction », « Smell like teen spirits », « Hotel California », « Like a Rolling Stone » ou encore « Paris s’éveille » ont vu le jour. J’estimais que ce livre n’avait pas vraiment eu sa chance. Il est sorti fin 2003 et a dû demeurer en vente quelques mois seulement en raison de la faillite de l’éditeur. C’était regrettable car il y avait des anecdotes savoureuses et une belle enquête, notamment ce que m’avait raconté Boris Bergman à propos de la chanson « Vertiges de l’amour » de Alain Bashung. Donc, j’estimais que ce livre avait encore toutes ses chances et je l’ai d’ailleurs proposé à divers éditeurs. Finalement, en février 2012 (soit 9 ans plus tard), j’ai pu sortir le livre sur les librairies numériques telles que l’Amazon Kindle et le succès a été immédiat. J’en ai écoulé environ 500 en une année, ce qui est tout à fait correct si l’on considère que nous sommes encore sur un marché naissant pour ce qui est de la France. Et le livre est très régulièrement n°1 des ventes musique sur Amazon. Quant à la biographie de Bill Gates, idem, elle se vend très correctement. Et c’est le cas pour bien d’autres livres, notamment ‘Téléphone au cœur de la vie’, une biographie du groupe Téléphone réalisée quasi intégralement à partir de témoignages du groupe et de leurs proches. Là encore, le livre était sorti en 2004 et avait eu une carrière courte en version papier pour des raisons qui seraient longues à détailler ici. Il est donc désormais en vente sur le Kindle, sur l’iPad, le Fnac Kobo, Google Play et ailleurs et se vend de manière régulière car il existe encore et toujours de très nombreux fans du groupe Téléphone dans les pays francophones. Entre nous, il n’y a jamais eu à ma connaissance de meilleur groupe de rock en France, non ? En tout cas, je n’en vois aucun qui ait eu le même impact…

     

     

    Comment vois-tu l'arrivée des liseuses et tablettes dans le paysage culturel actuel ? Penses-tu que le support numérique s'imposera rapidement comme seul support de lecture rentable pour les magazines et journaux ?

    Franchement, je ne pensais pas au départ que les liseuses seraient aussi séduisantes pour la lecture. En fait, deux choses m’ont conquis très vite. J’adore le fait que sur mon Kindle Touch, je touche un mot et la définition apparaît à l’écran. Donc, il est devenu possible de lire aisément sans avoir à trimballer des dictionnaires pour comprendre pleinement ce que l’on lit. En plus, le fait de pouvoir télécharger des extraits, d’acheter un livre et de le recevoir immédiatement, de pouvoir commencer à lire une minute plus tard, c’est une vraie révolution. Un jour, j’étais aux USA à 4 heures du matin, éveillé. Je me suis connecté à la boutique, j’ai téléchargé des extraits et j’ai pu commencer à lire un livre. Auparavant, c’était impossible et de plus, il faut savoir que dans certains pays, c’est très difficile de pouvoir se procurer des livres en français. En l’an 2003, j’étais dans la même situation, aux USA, et j’avais dû commander des livres à une librairie de New York qui stockait des livres français. Là, la littérature est instantanément disponible et c’est formidable. Pour ce qui est des quotidiens d’information, je pense qu’ils vont inévitablement basculer vers les liseuses et tablettes. En fait, toute information de type éphémère trouve son support naturel dans les liseuses : c’est tout de même idiot d’avoir à gaspiller du papier pour imprimer des quotidiens qui, dès le lendemain, n’ont plus de valeur à nos yeux…

     

     

    Je crois que tu as 3 romans à ton actif. Peux-tu nous en parler ?

    J’ai écrit 3 romans à ce jour, la plupart dans le domaine du fantastique. C’est le domaine où j’ai aisément de l’inspiration, je ne me sens pas particulièrement de raconter des tranches de vie ou alors, il faut que la situation soit vraiment inhabituelle. J’aime l’imaginaire, les planètes avec deux soleils qui te permettent de bronzer des deux côtés, les situations qui transcendent ce que nous vivons dans le présent. Ces trois romans sont :

    . Les Banquiers du Temps. 5 individus ont découvert par hasard le pouvoir d’une pierre noire, l’agapurne, qui permet de prolonger sa propre vie en pompant l’énergie vitale d’un autre. Seul souci, l’agapurne fait rajeunir celui qui l’emploie et donc, il doit régulièrement changer totalement de vie, repartir à zéro ailleurs. Et de plus, la possession de l’agapurne n’empêche nullement que l’on puisse se faire tuer. Les 5 héros de cette histoire tentent de vivre comme ils le peuvent la possession de ce pouvoir et certains le vivent comme un enfer - l’un d’entre eux a déjà vécu 400 ans.

    . XYZ. C’est l’histoire d’un dieu d’une puissance inouïe mais qui a l’état d’esprit d’un enfant de 6 ans, têtu, capricieux, etc. Il a quitté la planète où il se trouvait car il estime avoir été trahi et s’est réfugié dans une planète qu’il a auto-construit où tout est à son image. L’agent XYZ a été dépêché afin de tenter de le convaincre de revenir car une menace énorme pèse sur l’univers que seul ce dieu pourrait résoudre. XYZ doit donc faire preuve d’une ruse extraordinaire car ce dieu peut se transformer en n’importe quoi à tout moment. Et de toutes façons, il pose comme à l’accoutumée des conditions invraisemblables à sa participation. Par exemple : il veut que l’on abolisse totalement le café au lait sur toute la planète à sauver, car il détester cela…

    . Panique sur le Dancefloor. C’est le plus ‘réaliste’ du lot car cela se passe dans l’univers de la dance music. Une fan de Brassens a pété un plomb et lancé une croisade contre la musique des DJs. Au début, elle se contente de saboter les raves parties à sa manière (en introduisant discrètement un disque de Brassens dans la programmation), mais peu à peu, les actions anti DJs deviennent de plus en plus énormes et risquées…

     

     

    Préfères-tu le travail de romancier, ou bien celui de journaliste ? Y a-t-il des manières différentes d'aborder ces deux métiers ?

    Les deux se complètent bien. Le travail de romancier oblige à puiser dans son imaginaire. Le travail de journaliste est plus aisé dans la mesure où nous devons aller chercher les informations à l’extérieur. Le fait de pratiquer les deux en réalité amène un certain équilibre, il permet de rencontrer des gens, d’échanger… Il y a un autre aspect très appréciable dans la fonction de journaliste, c’est que tu peux avoir des coups de cœur et les assumer, par exemple, promouvoir un groupe que personne ne connaît, un DVD qui sinon, pourrait passer inaperçu...

     

    daniel_Ichbiah-Bill_gates

     

    Comment es-tu arrivé à l'écriture de biographies ? Est-ce une question de rencontres, une envie particulière, ou simplement une "déformation professionnelle" de ton travail de journaliste ?

    Cela s’est fait naturellement. Tout a commencé avec la biographie de Bill Gates qui a été alors une opportunité énorme car je l’ai rencontré pour la 1ère fois en 1986 à l’époque où je débutais dans le journalisme et où il était fort peu connu, en tout cas inconnu en France et donc très disponible. Lorsque j’ai commencé à écrire sa biographie trois ans plus tard, je voulais raconter les histoires assez dingues relatives aux débuts de la micro-informatique. À cette époque, il était facile pour moi de rencontrer Bill Gates, et aussi ceux qui l’avaient épaulé. J’ai passé une bonne semaine à Seattle, là où se trouve Microsoft, à interviewer des dizaines de gens. Il en a résulté un livre que beaucoup de gens appréciaient mais qui à l’époque s’est fort peu vendu - Bill Gates était pour l’essentiel inconnu. Et puis, lorsqu’il est devenu l’homme le plus riche des USA, le livre a été enrichi puis réédité chez un autre éditeur et là, il a décollé immédiatement !
    la_saga_des_jeux_videoC’est vrai que cette expérience m’avait donné le goût d’écrire des histoires avec de fortes anecdotes comme celui-ci et donc, j’ai enchaîné avec ‘La Saga des Jeux Vidéo’, qui est peut-être ce que j’ai écrit de mieux à ce jour. En fait, ce livre renferme des anecdotes invraisemblables liées à ceux qui ont crée cet art. Là encore, il est le fruit d’un nombre énorme d’interviews et l’on y trouve des anecdotes incroyables que je suis assez fier d’avoir recueilli - fier dans le sens qu’il aurait été dommage que ces histoires ne soient pas consignées. Je sais que le sujet pourrait rebuter les gens qui ne jouent pas aux jeux vidéo mais en fait, il est lisible par n’importe qui. Dès que quelqu’un le démarre, il ne peut plus le lâcher - c’est juste l’histoire de fêlés qui développent un genre qui n’existe pas, un peu comme ceux qui ont développé le cinéma au début du 20ème siècle. Je pense que dans le futur, ce livre apparaîtra comme un témoignage vital des débuts de ce genre.

     

    Si ce n'est pas indiscret et que cela ne te semble pas prématuré d'en parler, quels sont tes projets en cours ou futurs ?

    Hmm… Je suis assez dans la mouvance ‘just do it’. Par le passé, j’ai trouvé que parler de mes projets ne me réussissait pas. L’effet est étrange - un peu comme si en parler avant que cela ne sorte le ‘dégonflait’. Je ne sais pas si cela fait la même chose à d’autres, mais pour moi, il vaut mieux ne pas en parler jusqu’à ce que cela se soit concrétisé. Le pire, à mon sens, c’est d’obtenir des compliments avant que cela soit terminé. Je n’arrive pas à expliquer pourquoi, mais cela a tendance à volatiliser un peu de mon énergie créatrice, donc je préfère ne plus le faire. Je trouve même que cela a un effet intéressant : le fait de se retenir d’en parler, alors que parfois la tentation pourrait être forte, c’est comme si l’on maintenait la source d’énergie créatrice…

     

    Pour finir, pourquoi pas un petit exercice ? Peux-tu nous raconter une de tes rencontres les plus marquantes avec une personnalité connue ?

    Sans doute Louis Bertignac en juillet 2003, dans le cadre de la biographie consacrée au groupe Téléphone. Je ne m’attendais pas à rencontrer un être aussi aérien, aussi agréable. Il a une présence extrêmement légère, ‘fun’, spatiale… Passer une soirée en sa compagnie, c’est un peu comme faire un voyage en tapis volant.

     

    Plus d'informations sur Daniel Ichbiah ?
    Rendez-vous sur son site http://ichbiah.online.fr/

    ou sur Amazon :


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  • photo_Laurent BettoniDans le cadre d'une meilleure mise en lumière des auteurs indépendants, je vous propose un entretien avec Laurent Bettoni, auteur confirmé et critique littéraire.

    Et comme je l'ai déjà dit :
    « N'ayons pas peur des auteurs indépendants. Aucun cas de morsure n'a jamais été rapporté jusqu'à présent ! »

    Charlie Bregman 


     

    Peux-tu nous décrire ton univers de lecture, et nous dire à partir de quel âge tu as commencé à ressentir l'envie ou le besoin d'écrire ?

    J’ai aimé lire dès que j’ai su. Tout lire. Des romans (Jules Verne, Alexandre Dumas, Gilbert Cesbron, Robert Sabatier, Maurice Leblanc, Allain et Souvestre), du theâtre (Molière, Shakespeare, Ionesco), des contes et des fables (Perrault, La Fontaine), de la BD (Tintin, Astérix, Babar, Bécassine), des nouvelles (Maupassant, Edgar Poe, Conan Doyle). Et j’ai eu envie d’écrire dès que j’ai su lire. Je voulais moi aussi écrire des histoires comme celles que je lisais. Le livre a toujours exercé une grande fascination sur moi. J’ai compris très jeune que ma vie serait là, dans l’écriture, dans les mots, dans les histoires, ce qui ne m’a pas empêché de suivre un cursus universitaire scientifique. Mais juste pour m’amuser, parce que je trouvais ça intéressant. Les sciences ouvrent incroyablement l’esprit, ce qui est indispensable à l’écriture. Donc sciences et littérature sont complémentaires. Les sciences développent le sens de l’observation. Or, pour écrire, j’observe beaucoup. Je passe mon temps à ça, en fait. Comme si je m’asseyais sur le bord du monde pour le regarder bouger, évoluer ; pour regarder les hommes vivre, aimer souffrir, agir, pour repérer leurs qualités, leurs défauts, leurs travers, pour les regarder apprendre de leurs erreurs ou les répéter inlassablement sans tirer aucun enseignement du passé. Je puise aussi beaucoup dans ma propre expérience, car je suis loin d’être parfait. Je suis mon premier sujet d’observation, et je ne me fais pas de cadeau.

     

    As-tu des thèmes de prédilection et quelles sont tes inspirations ?

    Mes récits, d’une manière ou d’une autre, plongent des personnes ordinaires dans une situation extraordinaire et décrivent la manière dont ces personnes vont tâcher de s’en sortir avec ce qu’elles ont. C’est ce qui me touche, cette lutte pour tendre vers un mieux, avec les moyens du bord. Mes livres évoquent la fragilité des êtres et explorent l’âme humaine, souvent jusque dans ses recoins les plus sombres, où j’aime à penser qu’une part de lumière, aussi faible soit-elle, scintille encore. Mon regard n’exclut donc ni l’humour ni la bienveillance. Loin des clivages entre littérature blanche et littérature noire, je me définis comme un auteur de littérature « grise », qui mêle les genres. Je n’écris pas des choses très consensuelles, ni très lisses, ni politiquement correctes. Et mon style peut choquer, car il m’arrive d’employer un vocabulaire souvent très cru ou argotique. Tout en essayant d’être littéraire, j’aime faire sonner des mots qui n’appartiennent pas à la « belle » littérature. Le but étant qu’une fois assemblés dans le contexte particulier où je les place, ces mots produisent une musique, leur musique, qui s’apparenterait plutôt à du rock qu’à de la musique de chambre. Je suis extrêmement sensible à la musique d’un texte, probablement parce que je compose et écris des chansons. D’ailleurs, je lis mes textes à voix haute, et si quelque chose accroche l’oreille, je le réécris. Enfin, mes livres s’accompagnent toujours d’une bande originale minutieusement choisie, car pour moi elle fait partie du texte et contribue à l’atmosphère, à l’ambiance. J’ai dit que ce que j’écris pouvait choquer, mais je ne choque pas pour le plaisir de choquer. Ce qui m’intéresse, c’est de provoquer une réaction chez le lecteur, fût-elle épidermique. Ça signifiera qu’au moins j’aurais réussi à toucher un point sensible en lui. L’art doit faire réagir celui qui se trouve en face.

    Les auteurs que j’affectionne particulièrement sont Céline, Houellebecq, Djian à ses débuts, Henry Miller, Tennessee Williams, Bret Easton Ellis, Raymond Carver, Chuck Pallahniuk. Et tant d’autres.

     

    Comment procèdes-tu dans ton travail d'écriture ? As-tu des habitudes particulières et as-tu besoin de faire lire tes textes au fur et à mesure ?

    Avant de commencer à écrire la première ligne, je construis d’abord le scénario. De A à Z, avec absolument tout : structure de l’histoire, évolution des nœuds dramatiques, climax, personnages, séquencier. J’ai une culture cinématographique et télévisuelle, j’imagine que ça joue dans ma façon d’écrire et de concevoir la narration. On m’a souvent dit que j’avais une écriture visuelle et qu’on se projetait son petit film en me lisant. Ce que je considère comme un grand compliment. Là où, en France, la pire insulte que certains critiques puissent adresser à un roman c’est : « On dirait un scénario ». Avec ça, il ne faut pas se demander pour quelle raison les lecteurs préfèrent se ruer sur la littérature anglo-saxonne.

    Ensuite, quand mon scénario est validé, ce qui prend plusieurs mois – car je le retourne dans tous les sens pour voir si aucune couture ne craque et que j’essaie toujours de l’optimiser –, je passe à la phase d’écriture. Ce qui prend également plusieurs mois. Durant cette phase d’écriture, j’ai un rythme de bureaucrate et une manière de procéder répétitive et reproductible. J’écris le matin, je laisse décanter, je relis en fin d’après-midi et je corrige. Je progresse ainsi de proche en proche jusqu’à l’achèvement du livre. À la fin de chaque journée d’écriture, j’ai 2 à 3 pages. C’est peu. Mais ce sont 2 à 3 pages publiables. Cela m’évite de revenir sans cesse sur mon travail.

    Ma compagne me relit chapitre après chapitre. Son œil est avisé, et son jugement est sûr et impitoyable. Quand elle pointe un problème du doigt, je commence par râler, par lui reprocher de n’avoir pas compris ce que j’ai voulu dire, par estimer que sa remarque n’a pas d’importance ou qu’elle est simplement hors sujet. Puis j’y repense quelque temps après, et j’en conclus qu’elle a raison. C’est pénible pour moi, mais elle ne s’est jamais trompée une seule fois.

     

    Peux-tu nous parler de ton activité de conseil ?

    Beaucoup de gens portent en eux une ou des histoires et veulent écrire, mais ne savent pas forcément comment procéder. Alors je leur propose en effet un accompagnement littéraire. Je les suis dans l’écriture de leur livre, du début à la fin, je leur donne les règles élémentaires de l’écriture romanesque et leur apprend à les utiliser, à les maîtriser. Certains n’ont besoin que d’une expertise de manuscrit, de corrections ou d’editing. Je propose aussi ces prestations. Le roman d’Agnès Martin-Lugand Les gens heureux lisent et boivent du café est un exemple dans lequel toutes les prestations ont été fournies : expertise du manuscrit suivie de l’accompagnement littéraire, corrections, mise en page, création des couvertures et du texte de 4e de couv., texte de présentation de l’auteur. Nous sommes particulièrement heureux et fiers du résultat. Et on peut le dévoiler, puisque c’est acté à présent, Agnès a été contactée par deux éditeurs et a signé chez l’un d’eux. Je crois que nous allons entendre parler de son roman tout l’été.

    J’ai donné un nom à cette activité d’accompagnement : « Laurent Bettoni – accompagnement littéraire ». Tout simplement. Facile à mémoriser.

    L’adresse : http://laurentbettoni.wix.com/accomp-litteraire

     

    Comment vois-tu l'avenir de la lecture numérique ? Penses-tu qu'il soit compatible avec la lecture sur format papier ?

    L’avenir de la lecture numérique, je le vois florissant. Ce qui ne m’empêchera pas de continuer à lire des livres papier. Ces deux supports de lecture sont complémentaires et d’usages différents. J’aime le livre papier pour son côté charnel et le livre numérique pour son aspect pratique. Et si j’ai aimé un livre numérique, rien ne m’interdit de l’acheter en version brochée pour décorer ma bibliothèque. L’un des développements excitant du numérique est le livre hypermédia, avec insertion dans le texte de vidéo, de son, d’image, d’hypertexte. Avant, il y avait les livres-disques, demain il y aura les livres-films.

    D’autre part, je pense que le numérique permettra l’éclosion de nouveaux auteurs, de nouveaux talents, de nouvelles voix. Des auteurs indépendants émergeront de ces librairies en ligne sur lesquelles ils peuvent proposer leurs textes, même si pour l’instant toutes n’accueillent pas les indés avec le sourire aux lèvres et qu’il est extrêmement difficile de télécharger les textes sur leurs plates-formes. Le courant indé a donné ce qu’il y a de meilleur en musique et dans le cinéma. Pourquoi serait-ce différent en littérature ? Mais pour ça, il faut que les mentalités évoluent. Il faut que les libraires, les journalistes et les critiques s’ouvrent à ce qui se passe ailleurs que dans l’édition traditionnelle et cessent de se pincer le nez quand ils parlent des indés sans en avoir rien lu.

     

    Quels sont tes projets en cours ou futurs ?

    Mes projets, pour l’année 2013, ce sont une série littéraire à paraître en avril, chez La Bourdonnaye, et un roman à paraître vers novembre, chez Don Quichotte éditions.

    La série s’intitule Les Costello, une série mordante. Elle sort exclusivement en numérique, et la longueur de chaque épisode est calibrée pour un temps de lecture de 20 minutes. Idéal dans les transports quand on se rend au boulot. Je m’y amuse à utiliser les codes de séries télé américaines telles que True Blood, Les Soparano, Desperate Housewives, pour mieux les détourner et faire quelque chose à la fois drôle, émouvant et avec du suspense.

    Le roman s’intitule Athus Bayard et les Maîtres du temps, « Penicillium notatum », tome 1, et constitue, si tout se passe bien, le premier tome d’une saga qui en comportera… je ne sais pas. Il s’agit de littérature jeunesse, donc bien moins trash que ce que j’écris habituellement, mais en vérité les adultes pourront y trouver leur bonheur également, car il y a plusieurs niveaux de lecture.

    Voilà pour mes projets dans l’édition traditionnelle.

    Mais j’ai également deux romans à proposer (dont l’un est terminé), et je les présenterai peut-être en indé. Et bien sûr, le prochain roman d’Agnès Martin-Lugand en accompagnement.

    Pour 2014, d’autres romans que j’ai déjà en tête. Et le livre hypermédia, qui m’excite bien. Il faut que j’aille voir ça d’un peu plus près.

     

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    Et maintenant, un petit exercice de style, tu nous racontes ton réveil ce matin ?

    C’était dimanche, et rien ne pressait. Je m’étais couché tard et levé tôt toute cette putain de semaine, qui avait tout de même daigné finir. J’étais crevé. Des tonnes de sommeil en retard. J’ai d’abord senti le chat s’approcher tout doucement. Arrivé à hauteur de mon ventre, il a cardé. Ses griffes ont traversé la couette pour se planter dans ma peau. Puis il s’est étalé de tout sont long, de mon estomac à mon torse. Pratique pour respirer. Là, tandis qu’il m’étouffait, il a ronronné comme un malade. Il était content, le fumier. Content de m’avoir réveillé. J’ai pensé toi, mon pote, tu peux toujours courir pour que je descende te filer du thon. C’est à ce moment que la minette s’est pointée à pas de loup. À pas de loup, pour un chat… Bref, elle s’est lovée contre ma chérie et s’est mise à ronronner en écho à l’autre que j’avais sur le bide. Je me suis dit je m’en fous, je bouge pas. Et j’ai refermé les yeux. Bien m’en a pris, car je me suis rendormi. Et quand je me suis réveillé, les chats avaient quitté la chambre. Ma chérie me regardait, avec son beau sourire de chérie aux lèvres. Elle m’a dit : « Elle bouge, tu veux la toucher ? » J’ai posé ma main sur son bidon et j’ai senti ma fille venir au contact de ma paume, attirée par la chaleur. J’ai souri. Ma chérie m’a demandé si j’étais heureux. J’ai répondu oui avant de lui mordiller les lèvres. Elle m’a dit : « C’est cool, on n’a rien à faire. » J’ai pensé merde, je dois rendre ce truc à Charlie Bregman, ce questionnaire qui se finit par « raconte-moi ton réveil ce matin ». J’ai murmuré : « Ouais, trop cool. » Et j’ai refermé les yeux cinq minutes, avec ma fille qui bougeait sous ma main, dans le ventre de sa mère.

     

    Interview de Laurent Bettoni, réalisée par Charlie Bregman le 03 février 2012.

    En savoir plus ?
    Rdv sur le site de Laurent Bettoni :
    http://cowboysetindies.blogspot.fr/ 


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  • Voici un roman qui est pour l'instant uniquement disponible en numérique (chapitre, amazon, ibook store…) mais qui a été repéré par un grand éditeur cet été pour, je l'espère, une édition papier avant l'été 2013.
    J'ai fait connaissance avec Rémy par l'intermédiaire d'Amazon car quelques-uns de ses lecteurs avaient également téléchargé mon livre Vivement l'amour. Devant un résumé très prometteur, j'ai tout de suite ajouté son titre à ma longue et interminable liste des livres à lire d'urgence (!) et cette fois, ça y est, c'est chose faite.
     
    Mon verdict est imparable !
    La Trillionnaire a tout des grands romans à succès. Rémy Giemza est un auteur en qui je crois, et que j'encourage vivement à écrire à nouveau. Il manie en effet l'art du rebondissement et de la narration avec la dextérité des écrivains qui n'en sont pas à leur premier coup d'essai.
    la trillionaire
    La Trillionnaire est un récit captivant à propos du destin hors norme d'une femme partie de rien, et qui va, au hasard des rencontres mais surtout en se trouvant confrontée aux rouages les plus subtils de l'empire bancaire, se retrouver rapidement à la tête d'une fortune colossale.
    Rémy Giemza emmène le lecteur avec lui dès les premières lignes, dans une épopée folle et pleine d'argent, aux quatre coins de la planète, et à la fin de laquelle vous ne verrez plus jamais votre banquier de la même façon !
     
    Malgré encore quelques fautes de frappe qui méritent d'être rapidement corrigées (mais en tant qu'autoédité, je sais ce que c'est), ce livre est à découvrir sans la moindre hésitation.
    Parce qu'il possède l'imagination, l'art de la narration, la maîtrise du suspens et le talent de décrire les choses à la fois précisément et simplement, Rémy Giemza est, à mes yeux, un des auteurs à succès de demain. Et à vrai dire, c'est un peu tout le mal que je lui souhaite !

     

    Quelques citations que j'ai relevées, pour leur sens de la formule :

    « Les lendemains furent pourtant beaucoup moins euphoriques et je découvris avec la tristesse d'une jeune femme naïve l'absolue misère sociale des relations au travail. Je passai deux longues années à faire ma place dans la banque, haïe autant par les femmes que par leurs acolytes masculins, et sans recevoir de soutien de la part d'Edgar. »

    « L'émotivité est l'ennemi du bon sens, et la sensibilité exacerbée le handicap de l'intelligence. »

    « À bien y regarder, des banques ou des politiques, ce sont souvent les plus corrompus qui demandent à la société de rester sage. »

    « Je n'étais pas comme la majorité des femmes qui pensent que la fidélité d'un homme se gagne pour la vie et qu'elle s'intensifie forcément lorsque naissent les enfants, ou bien en contractant un crédit immobilier sur vingt ans. »
     


    Et un petit passage que j'aime bien à propos de la ville de Lyon :

    « Lyon était une petite ville charmante au prime abord. La ville rassemblait un étrange mélange de style hausmannien et de grosses maisons italiennes. On aurait dit un petit Paris. Cet intérêt architectural était concentré sur la presqu'île dont on pouvait s'apercevoir en regardant le plan qu'elle était la copie conforme de Manhattan. La même composition en forme de cravate était entourée d'eau.
    — C'est très charmant ! On dirait Paris et Rome réunies sur un Manhattan en modèle réduit, lançai-je à l'inspecteur d'un pas rapide.
    — Ne vous fiez pas aux apparences. À la différence de la Big Apple, on a vite fait le tour de ce gros lopin de terre prétentieux et ruiné par des magasins sans intérêt.
    — Vous n'aimez pas Lyon ?
    — Je passe la plupart de mon temps ici et je m'ennuie.
    — Je crois que je pourrais m'y plaire. Il est vraiment très curieux que cette ville ne soit pas aussi connue sur le plan international.
    — C'est normal. Il fut un temps où les autorités locales œuvraient pour le rayonnement de la ville, mais aujourd'hui on a laissé la place à un dandy plus gestionnaire que visionnaire. »

     

    Retrouvez Rémy Giemza sur Amazon :


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