• Acte I article 09 - Des cas isolés

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    Bruno Cantais - Emergence 

    — Tu disais qu’il y avait des exercices de statique… 

    — Des exercices, oui, mais lorsqu’il s’agissait d’appliquer nos formules et nos théorèmes, il n’y avait plus personne ! Les profs eux-mêmes en étaient bien incapables : celui qui nous enseignait d’ailleurs la statique n’était nullement architecte, mais professeur des écoles d’ingénieurs ! 

    — Rien d’étonnant à cela : aurais-tu demandé à un plombier de s’occuper du carrelage ? 

    — Mais je ne me plains pas de cela ! Ce qui me choque encore le plus, c’est la façon dont vous vous acharnez contre moi ! 

    — Je m’acharne contre toi, moi ? 

    — Vous me demandez d’expliquer, et vous me coupez sans arrêt ! 

    — Je ne fais que pointer les incohérences et les points de vue suspects. 

    — J’ai des points de vue suspects, moi ? Vous rigolez ! Quand un étudiant présente un projet de centre culturel, de trois cents mètres carrés au sol, qui flotte dans les airs en ne tenant que sur un petit poteau de vingt centimètres par vingt, même pas situé en son centre, et qu’on lui décerne la meilleure note du groupe, vous osez dire que c’est moi qui ai des points de vue suspects ? 

    — Ne faisons pas généralité des cas isolés… 

    — Vous en voulez d’autres, des « cas isolés », comme vous dites ? Que dites-vous du professeur d’art plastique qui reconnaît votre progression en la matière, et qui ne vous note qu’un demi-point au dessus de votre note précédente, parce qu’il sait qu’avec un point complet, vous obtenez votre certificat, et qu’avec une note inférieure, vous devrez le repasser ? Que pensez-vous de lui, si je vous dis que la seule chose que j’ai faite pour le mettre dans un tel état, c’est de lui présenter un travail élaboré sans l’avoir consulté ? Nous devions élaborer un travail d’art contemporain : autant dire que le sujet était vaste. Quinze jours avant le rendu, j’ai eu une idée d’artiste comme ils les aimaient : présenter des photographies de l’école d’architecture d’une manière originale, de façon à offrir un nouveau regard sur les murs que nous côtoyions tous les jours. J’ai d’abord présenté toutes les photographies sous cellophane rouge, pour modifier les couleurs usuelles de l’école, puis je les ai recadrées sur des détails très particuliers que j’ai voulu mettre en scène dans un sens différent. Enfin, j’ai accompagné mon travail d’un code de lecture, avec des titres dont les mots correspondaient à un énième mot, dont le chiffre n était indiqué sous forme de référence photographique, situé alphabétiquement après, dans le dictionnaire, des mots constituant le bon titre. Mon travail s’intitula « les caroncules du renfermé » ! J’étais content : j’avais raisonné en artiste ! J’étais allé flirter avec le surréalisme, tout en ayant une démarche complètement consciente et méthodique ! Mais le prof m’a décerné un six sur vingt, doté d’un coefficient deux, je crois. De quoi vous faire plonger, lorsque l’on sait que la moyenne exigée pour l’obtention de chaque certificat, dans cette école était de douze sur vingt, à l’époque, et non pas de dix, comme dans toutes les autres écoles de l’enseignement architectural pourtant national ! Une nana, qui passait tout son temps avec le prof, à le flatter et à le charmer en petite jupe courte, a présenté un lot de trente ou quarante brosses à dent plantées dans un pot de terre : elle a obtenu dix-huit sur vingt. Vous êtes d’accord avec cette façon de noter un futur architecte ? 

    — Il s’agit d’un autre cas isolé. 

    — Ah, oui ? Et lorsque vous présentez votre projet d’architecture devant un jury de trois professeurs, que deux d’entre eux considèrent votre travail comme médiocre, et l’autre comme travail très prometteur, et que le débat commence à se faire houleux tout simplement parce qu’ils ne sont pas d’accord, vous appelez toujours cela un cas isolé ? 

    — Dans ce cas-là, j’appellerais même cela un professeur isolé. 

    — Vous êtes cynique. 

    — Non, je ne suis pas cynique : simplement objectif. Reprenons les choses depuis le début : pour quelle raison étais-tu inscrit en école d’architecture, au juste ? 

     

     

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  • Commentaires

    1
    visiteur_thesou@free
    Jeudi 30 Mars 2006 à 12:18
    c'est toujours un plaisir de passer te lire, j'aime bien ton histoire ?uivre, quoique ce matin c'est un peu a toute "blinde" car je travaille de 13 heures trente a 21 heures trente
    et parce que je veille toujours tr?tard, j'ai fait un eu la grace matin?!
    Merci de ton passage chez moi :-)
    en te disant a bient?e te souhaite une bonne journ?:-)
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