• Entretien avec Chris Simon

    chris_simon_auteurChris Simon, tu es franco-américaine, vis en France depuis 2009, et tu as publié ton premier ouvrage en auto-édition en 2011. Peux-tu nous parler de ton univers de lecture et nous dire, par exemple, à partir de quel âge tu as commencé à aimer lire et ressentir l'envie ou le besoin d'écrire ?

    J'ai commencé à lire assez tard. Avant 14 ans, j'avais dû lire Sans famille (une histoire sinistre), David Copperfield de Dickens, un Oui Oui et bien sûr de la BD. Du coup, j'ai échappé à la littérature pour enfants ! Tant mieux. Je crois qu'il y a pas mal d'idioties. Je préférais plutôt rêvasser que lire. J'ai donc découvert la lecture par l'écriture, car dès la pré-adolescence je réalisais des minis BD, mais comme je dessinais très mal, j'ai supprimé les dessins et il n'est resté que l'écriture qui m'a mené à la lecture. Et à partir de ce moment-là, j'ai dévoré les classiques et tout ce que je trouvais à lire.

    Quels sont tes thèmes de prédilection et quels sont ton style et tes inspirations qui ont nourri tes ouvrages déjà publiés ?

    L'étrangeté des choses et des êtres, l'absurdité de nos vies parfois, la crise d'identité. Qui suis-je ? Qui sommes-nous réellement ? Le désir d'un être humain meilleur, c'est un désir qu'il ne faudrait pas prendre pour une réalité. Je crois que j'ai une écriture très visuelle et sensuelle, en ce sens cinématographique. Je cherche la sensualité du moment, le mouvement, le vivant. L'art m'inspire beaucoup, du moins me nourrit, tous les styles du contemporain aux mouvements obscurs et l'art plus ancien. Et puis quelques écrivains dont l'écriture, l'univers et les histoires me touchent profondément comme Kafka, Gombrowicz, Stendhal, Virginia Woolf, Duras, Toni Morrison ou parfois un seul livre comme Lolita de Nabokov : j'en aime beaucoup l'ironie du narrateur. Bref pour une oeuvre ou un seul livre, j'ai une très longue liste.

    J'ai auto-publié en numérique deux recueils de nouvelles La Couleur de l'oeil de Dieu en 2011 et Le baiser de la mouche en 2012, qui est un recueil de nouvelles fantastiques à tendances surréalistes. Et un roman Ma mère est une fiction chez un éditeur numérique.

    Quelles sont tes habitudes de travail, comment procèdes-tu ? As-tu besoin de faire lire ton travail en cours ?

    J'écris dès le réveil dans mon lit, en buvant un thé, l'ordinateur sur un oreiller pendant deux heures. C'est mon minimum, mais je fais souvent plus. Quand j'ai le temps, j’écris  deux ou trois heures de plus l'après-midi ou le soir. Cela dépend de l'étape d'écriture dans laquelle je me trouve. Il est rare que je passe une journée sans écrire. Dans les années 2000, je faisais partie d'un groupe d'auteurs franco-canadien en ligne au sein duquel je soumettais mes textes dans le but de les améliorer (un principe d'échanges entre auteurs ou aspirants auteurs), j'ai beaucoup appris. Aujourd'hui, je ne le fais plus. Je n'éprouve pratiquement plus ce besoin de faire lire mon travail au cours de ses différentes étapes. Pour mon dernier manuscrit, Ma mère est une fiction, je l'ai même envoyé directement à l'éditeur Publie.net sans le faire lire à des auteurs amis en qui j'ai pourtant une grande confiance. Comme François Bon a décidé de le publier, je me suis dit que peut-être j'avais mûri. Cela m'a donné une plus grande confiance dans ce que j'écris.

    Comment vois-tu l’avenir de la lecture numérique ? Continueras-tu à lire des livres papier ?

    La lecture numérique me semble un eldorado pour l'auteur. Un nouveau territoire à conquérir, une nouvelle frontière. Un "tout est possible", le meilleur comme le pire, alors essayons de conquérir ce nouveau champ pour le meilleur. J'en aime l'immatérialité, j'apprécie la simplicité, la facilité qu'elle permet, le contact direct avec les lecteurs, les autres auteurs et aussi les professionnels des éditions numériques. Je réfléchis à une oeuvre globale, transmédiatique... D'y penser me donne le vertige.

    Ne connaissant personne dans la société française qui compte (je vivais aux États-Unis avant d'arriver à Paris), il m'a semblé très difficile de rencontrer les professionnels de l'édition traditionnelle et donc de les intéresser à mon travail. Dans le numérique il y a une effervescence, une créativité. Ça bouillonne, on travaille et on s'amuse. Il y a de l'avenir, un marché, des économies possibles (il faut bien vivre). On le constate aux États-Unis ou au Royaume-Uni. C'est encourageant.

    Depuis trois mois mes livres se vendent régulièrement. Ça me fait plaisir et j'en remercie les lecteurs.

    Je lis essentiellement sur une liseuse (beaucoup de titres en anglais au début, mais maintenant en français. Simplement, quand je veux lire un livre français et qu'il est à 10 euros ou plus sur mon Kindle, je regarde d'abord s'il existe en poche. Si oui, je l'achète, c'est moins cher. Ce qui n'a pas de sens, mais ce n'est pas mon problème. Sans doute je ne suis pas la seule à le faire. Je lis majoritairement des ebooks auto-publiés et d'éditeurs numériques (pure Players), les prix sont plus intéressants et ils proposent de nouveaux textes, de nouveaux auteurs. Ça satisfait ma curiosité et mon budget.

    Quels sont tes projets en cours ou futurs ?

    Je viens de publier La Bouche, un projet auquel je tiens beaucoup. C'est un petit roman à 100 doigts, c'est-à-dire écrit par 10 auteurs que j'ai réunis. Il est déjà sur Kobo et d'un commun accord avec tous les auteurs qui y ont participé je le propose gratuit. Il sera rapidement j'espère sur les autres plateformes [nota : déjà sur Amazon au moment de publication de cet interview]. Le numérique permet plus de liberté et aussi l'expérimentation : explorer le collectif, tenter de nouvelles formes, de nouvelles structures de production... En ce moment, je planche sur un roman, et après une semaine de break et de réflexion, il me plaît toujours. J'ai donc commencé une deuxième mouture.

     

    Et maintenant, je te propose un petit exercice de style : peux-tu nous raconter Chris Simon face à sa nouvelle page blanche ?

    Je la prends dans mes mains, je la retourne dans tous les sens et je me dis : qu'est-ce que je peux en faire ? Un avion. Je le plie et je l'envoie dans le ciel pour voir s'il peut voler aussi haut que les Boeings qui se croisent au-dessus de mon velux (j’écris dans un grenier). Ou alors, j'y trace le contour de ma main et je remplis aussitôt mes doigts de mots à la verticale, puis ma paume de phrases courtes à l'horizontale. Je peux aussi l’insérer dans l'imprimante et me dire : okay, tu ne quittes pas l'ordinateur jusqu'à ce que tu imprimes cette page sur laquelle tu auras décrit un moment, un instant que tu as trouvé curieux, étrange, différent, inusuel, insolite, bizarre, inattendu, inexplicable, mystérieux... Un tout petit moment. Et soudain, sur cette page, il apparaît dans son immensité.

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