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Quand Agnès Martin-Lugand écrit et boit du café
Beaucoup connaissent déjà son succès : Agnès Martin-Lugand a publié son premier roman Les gens heureux lisent et boivent du café en auto-édition, pour un succès immédiat en version numérique (3000 exemplaires vendus en trois semaines, position permanente parmi les meilleures ventes des ebooks d'Amazon, etc.)
Depuis ce 7 mars 2013, le roman a été intégré au catalogue des éditions Michel Lafon, et sera disponible en librairie dès le mois de juin, pour un succès dont je ne doute personnellement pas un instant.
Pour celles et ceux qui n'ont pas encore eu la chance de lire le livre, Les Gens heureux lisent et boivent du café est un roman qui commence très fort dès le début, puisque Diane, le personnage principal, est confrontée à l'inconcevable en perdant à la fois son mari et sa fille dans un accident. Sur un ton d'une justesse à en faire pâlir de jalousie bien des auteurs indépendants (hic), Agnès Martin-Lugand signe un premier roman tout en émotion, habité par des personnages profonds et authentiques, qui devront aller au bout de leurs rencontres improbables pour que la vie reprenne ses droits.
Comme ce livre a été pour moi un vrai coup de cœur, j'ai eu l'audace de demander à Agnès une interview pendant que les journalistes lui laissent encore un peu de disponibilité. Merci à elle pour sa gentillesse, sa bonne humeur, et pour la première partie de notre bonheur.
Pour l'autre, vous l'aurez compris… il ne vous reste plus qu'à revenir lire la suite avec un bon café !
Agnès, peux-tu nous parler de ton univers de lecture, et par exemple nous expliquer à partir de quel âge tu as commencé à aimer lire et ressentir l'envie ou le besoin d'écrire ?
Oh là ! Je suis une lectrice tardive. J'ai véritablement commencé à aimer lire au lycée. Forcément, quand on est nul en maths, mais qu'on se débrouille en français et en langue, on se rabat sur une série littéraire, et il faut lire, alors on se retrousse les manches. Tous les grands noms de littérature classique française y sont passés, Flaubert, Stendhal, Hugo, Baudelaire, Camus, Simone de Beauvoir, Gide... Ensuite, j'ai fait une pause de plusieurs années en littérature pour me consacrer entièrement à la lecture psychanalytique. En gros, j'ai englouti des centaines de livres de Freud, Lacan, Winnicott, Mélanie Klein, Bettelheim (Psychanalyse des contes de Fées, génial). Après, j'ai voulu reposer mon cerveau, j'ai attaqué les têtes de gondoles, je les ai tous fait, les Musso, Coben, Levy, Pancol..., ils m'ont tous détendu, et fait passer de très bons moments, je n'en ai pas honte. Généralement je dirais que je lis de tout ou presque, du roman historique (Glibert Sinoué, Frédéric Lenoir...), ce que j'appelle affectueusement les bouquins de pétasses (Bridget and co), au milieu de tout ça j'ouvre un Houellebecq, un Laura Kasischke ou encore un Delphine de Vigan. Il m'arrive aussi de prendre ce qui me tombe sous la main, français ou étranger, je me balade sur la toile ou chez le libraire, une couv, un titre, un pitch, si je sens que je peux y trouver quelque chose, une émotion, je fonce, à mes risques et périls. La curiosité fait parfois perdre son temps, mais bon tant pis...
Au sujet de l'écriture, j'ai écrit énormément durant mes études, des pavés d'études psychanalytiques qui m'ont donné le goût de manier les mots, ensuite ce sont des rapports pour les juges des enfants qui m'ont occupée. Le désir de me confronter à la fiction et à mes capacités d'imagination a toujours été là. La vie m'a donné du temps et l'énergie nécessaires pour me lancer ce défi. L'histoire de Les Gens heureux lisent et boivent du café est arrivée dans ma petite tête, et c'est parti. Un an de travail en solo, puis la rencontre avec Laurent Bettoni pour me confronter à l'avis d'un auteur, d'un professionnel. Son regard sans concession a été une vraie bénédiction. J'ai repris l'intégralité du roman, j'ai trouvé mon style, j'ai compris de quelle façon je souhaitais écrire, quel auteur je voulais être. J'ai acquis une rigueur et une vraie exigence envers moi-même et mon travail.
Quels sont tes thèmes de prédilection, ton style, et tes inspirations ?
Ce que j'aime traiter dans mes romans, ce sont les changements de vie, ce qui fait rupture dans le parcours d'une femme. Je n'ai ni l'envie, ni le courage de me placer du point de vue d'un homme. J'ai déjà du mal à les comprendre dans la vraie vie, alors me mettre à leur place dans mes romans, pas pour le moment. Dans les Gens, Diane doit faire face au décès de son mari et de sa fille, et ce sont ses réactions, le pourquoi du comment elle réagit de cette façon qui m'ont passionné. Dans mon prochain, il ne sera pas question de deuil, mais de la même façon, pourquoi à un moment de sa vie une femme, une trentenaire (c'est ce que je connais le mieux :-) ), décide de bouleverser son quotidien, et de fait, que lui arrive-t-il, quelles sont les erreurs qu'elle commet, ou bien ses réussites. Et évidemment, toutes mes romans ont une histoire d'amour en toile de fond, histoire d'amour qui tant qu'à faire ne doit pas être simple, plutôt torturée, à la limite de l'impossible.
Mon style : j'aime les phrases courtes, directes, voire même les mots phrases. Je veux donner du rythme à mon texte. J'affectionne particulièrement les dialogues qui me demandent beaucoup de travail pour trouver le ton juste, le ton du personnage. Réfléchir à ce qui peut sortir de la bouche de tel ou tel protagoniste. J'ai appris à ne pas vouloir faire de la littérature, de grandes envolées lyriques.
Mes inspirations : la vie, ses joies, ses peines, ses coups de cœur. Ensuite, la musique, souvent c'est un morceau écouté au hasard ou volontairement qui va m'inspirer. Le rythme, l'ambiance va me guider vers une scène que je peux alors visualiser d'une façon très nette. Et alors, le nec plus ultra, la musique en voiture. Je laisse vagabonder mes pensées, mes rêves et mes idées en regardant la route.
Quelles sont tes habitudes de travail, comment procèdes-tu (et comment as-tu procédé dans ton partenariat avec Laurent) ? As-tu besoin de faire lire ton travail en cours ou, au contraire, est-ce quelque chose de difficile pour toi tant que tu n'as pas quelque chose d'à peu près abouti ?
Je dirais que je suis tout terrain. Je m'explique : je peux écrire à peu près n'importe où, sur une table, vautrée dans mon canapé, au lit sous la couette, à la terrasse d'un café, sur une chaise longue en plein cagnard avec un foulard sur l'ordi pour le protéger (un jour, j'ai d'ailleurs chopé un coup de soleil sur les cuisses avec la marque de mon outil de travail, hyper sexy). Mon seul impératif est d'avoir de la musique dans les oreilles. Certains me diront que ce n'est pas sérieux, moi c'est ce qui me convient, j'en ai une besoin vital, et chacun de mes romans a sa bande originale. Voilà pour le contexte.
Ensuite sur le fond, j'ai appris à canaliser mon énergie, à me concentrer sur l'essentiel. Grâce à Laurent et à sa rigueur, je débute par la construction de mon scénario, mes personnages, je vais au fond des choses avant de débuter l'écriture en tant que telle. Je connais par cœur mon personnage principal, je discute dans ma tête avec les secondaires. J'ai en tête la chronologie des évènements. Je serais encore étudiante, je dirais que j'ai le plan détaillé de mon mémoire ou de ma thèse, et que je n'ai plus qu'à remplir les cases au moment où j'attaque l'écriture. Toute cette phase de préparation est l'occasion de grands débats entre Laurent et moi, j'ai mes arguments, lui les siens, nous les confrontons, et je finis par trouver ce qui sert mon texte, et mon histoire. Après, j'écris chapitre par chapitre et scène par scène. Je relis chacune d'entre elles avant de passer à la suivante, je modifie ce qui me semble nécessaire. Ensuite, lorsque le chapitre est bouclé, je le reprends intégralement. Fatalement, des nouvelles modifications ont lieu, je corrige les dernières coquilles. Je fais non pas une relecture de mon chapitre, mais de multiples jusqu'au moment où je me dis que de mon point de vue, il n'y a plus rien à changer, et où je sens que mes yeux ne suffisent plus à traquer ce qui ne va pas. À ce moment, je prends mon courage à deux mains, je souffle un grand coup, et j'envoie mon chapitre à Laurent. Commence alors une période de doutes, de remise en question, de terreur à l'idée du retour. C'est toujours au moment où je m'y attends le moins que mon bourreau pointe le bout de son nez et me donne son avis sur mon travail. Ça passe ou ça casse. Ensuite, chapitre suivant, et ainsi de suite... jusqu'à la fin.
Alors oui, j'ai besoin que mon travail soit lu, pour prendre confiance en moi et dans le même temps pour me remettre en question. Tant pis si ça fait mal, je veux produire du travail de qualité, et j'ai compris qu'on ne peut pas écrire tout seul dans son coin, un regard extérieur et critique ne peut faire que du bien.
Comment naissent tes personnages ? T'inspires-tu de simples observations ? Y mets-tu beaucoup de toi-même ?
Je dirais que majoritairement ce sont des personnages que je souhaiterais rencontrer en « vrai ». Je pense à des femmes, des hommes qui auraient quelque chose à m'apporter dans le positif comme le négatif, que je pourrais détester autant qu'aimer à la folie. J'aime les caractères forts, parfois torturés ou qui ont quelque chose à cacher, parce que ce sont ces raisons qui vont les pousser à commettre des actes. J'aime les contradictions de l'être humain. Alors peut-être certains pourraient se reconnaître, chacun voit ce qu'il veut dans mes personnages. Moi, je sais ce que j'y mets de moi. Il y a quelque chose de schizophrénique dans tout ça, (nous en avons déjà parlé Charlie !), parce que pour ma part je puise dans mes émotions et mes ressentis pour nourrir mes personnages, à la place de.... Couper le cordon avec eux n'est pas une étape évidente.
Comment vois-tu l'avenir de la lecture numérique ? Continueras-tu à lire des livres papier ?
Bon, nécessairement bon. On constate bien le nombre de plus en plus important de tablettes et liseuses. Les lecteurs commencent à s'y faire, la curiosité les pousse à tenter l'aventure de la lecture numérique. Je crois que ça se démocratise. Pour mon cas personnel, je lis les deux. Je sélectionne davantage les livres papiers ( because le porte-monnaie), si je peux trouver un livre en numérique qui m'attire et qui est véritablement moins cher qu'en papier, je lirais avec ma tablette. Cependant, un livre qui me tient à cœur pour X ou Y raison, je casserais encore et toujours ma tirelire pour l'avoir dans ma bibliothèque. Après, si je pars en vacances, c'est évident que je fais le plein de numérique. Marre d'avoir une valise qui pèse trois tonnes à cause des bouquins.
Si cela n'est pas trop prématuré d'en parler, quels sont tes projets en cours ou futurs ?
Je suis au beau milieu de l'écriture de mon deuxième roman, dont je tairais la trame (j'en ai déjà bien assez parlé plus haut). Cependant, je peux dire qu'il sera différent des Gens, moins dramatique, plus sombre. Un autre projet qui me tient particulièrement à cœur, la préface et les textes du livre de photos de Paolo Pizzimenti, photographe de génie qui a pris celle de la couverture de mon roman. Son livre est un recueil de clichés de Paris, il s'intitule Paris Insolite.
Après soyons clairs, j'ai plein d'autres histoires en tête, un troisième, un quatrième roman... Et je suis prête à tout nouveau projet qui se présenterait.
Et pour finir, pourquoi pas un petit exercice : te décrire en train de lire un de tes livres préférés en buvant du café ;-)
C'est l'été au petit matin, il fait beau. On sent qu'il va faire chaud, pourtant la fraicheur de la nuit est toujours présente. J'ai pris mon petit déjeuner un peu au radar, toujours dans la douceur du sommeil. Je me lève avec ma tasse vide à la main, je la remplis de ce café qui me sert de drogue. Je me dirige vers le séjour, j'ai envie de lire, je croise les doigts pour que mon fils ait la bonne idée de faire une grasse matinée. Je me poste devant ma bibliothèque, mes doigts effleurent les tranches de Les Confessions d'un enfant du siècle, Plateforme, Le Monde de Sophie, les Chroniques de San Francisco, Orgueil et Préjugés, Les contes de Grimm, Moi, Charlotte Simmons. Et puis, d'un coup mon cerveau se met en branle. En ce moment, je n'ai pas beaucoup de temps pour lire, alors quitte à ouvrir un bouquin, autant que ce soit une nouveauté. Tiens, tiens, c'est Charlie Bregman qui va passer à la casserole... Cigarette aux lèvres, mon café d'une main, Vivement l'amour de l'autre, j'ouvre la baie vitrée d'un coup de genou, et je vais dans mon jardin. Toujours en pyjama, je traverse la pelouse pieds nus, j'adore avoir les pieds trempés par la rosée du matin (si, si c'est vrai). Une fois installée sur ma chaise longue, je sniffe mon café, j'en avale une grande rasade, j'allume ma clope, et c'est parti, je finis de me réveiller en me plongeant dans cette adolescence que j'ai tant... (euh, en fait, ça, ça ne regarde personne). Le soleil commence à taper, j'ai chaud, j'enlève mon sweat, je bois mon café froid, tant pis, pas moyen de lâcher les tribulations de ce p'tit mec... « Maman !!!!!!!! ». Non pas maintenant, il va à son rencard... « Maman !!!! ».
Désolée Charlie, j'ai un chocolat chaud à préparer.
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Commentaires
1Michel LangevinMardi 7 Janvier 2014 à 20:22Bonjour, J’aimerais savoir via quelle adresse mail je pourrais vous faire parvenir le dossier de presse consacrée à une quadrilogie intitulée "NI DIEU NI DIABLE", quadrilogie qui a réussi à se hisser jusqu’à la première place de la catégorie «thrillers» dans le TOP 100 des meilleures ventes de livres numériques français sur AMAZON.CA, et à la deuxième place de la catégorie «science-fiction». Pour plus de détails, visitez le www.facebook.com/nidieunidiable.roman qui compte maintenant plus de 15,000 fans. Merci, Michel Langevin, alias Emanuel AbranRépondre-
charliebregmanMercredi 15 Janvier 2014 à 15:03Merci Michel pour votre commentaire… On vous retrouver très bientôt dans la rubrique « Les auteurs indépendants ».
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Une interview particulièrement intéressante. Et la dernière question est top ! On s'y croirait presque ! Le parcours d'Agnès me fait rêver et j'espère que ce n'est qu'un début pour elle. Les Gens est dans ma liseuse. C'est ma prochaine lecture.-
Tu ne seras pas déçue. Et pour le reste du parcours, oui, tant qu'il lui reste du café, ce ne peut être qu'un début ;-)
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3patriciaMardi 15 Juillet 2014 à 16:00Bonjour, Est-ce que quelqu'un peut me renseigner au sujet du fait si les droits de traduction en néerlandais pour "Les gens heureus lisent et boivent du café" ont déjà été vendués. Merci infiniment, PatriciaBonjour Patricia, "Les Gens heureux lisent et boivent du café" ont été récupérés par l'éditeur Michel Lafon. C'est donc directement auprès de cette maison que vous devez adresser votre demande. Pour ma part, je n'ai pas la réponse. Bien à vous. Charlie5Peter PanLundi 14 Septembre 2015 à 16:15Je reste malheureusement insensible au succès de cette auteur. Comment peut-on avoir autant de succès en écrivant des livres aussi fades ?-
Ce commentaire me fait bondir. Je ne suis absolument pas de votre avis. Fade, c'est sans goût, sans saveur, et donc sans émotion. Agnès Martin-Lugand est pour moi tout le contraire. Ses livres m'ont ému aux larmes, comme devant un bon film, et je n'avais jamais connu ça avant en lisant un livre. Même si je sais qu'on ne peut pas plaire à tout le monde, et qu'un livre n'est qu'une rencontre entre un auteur et un lecteur, dommage pour vous que cette rencontre n'ait pas eu lieu, vous ratez vraiment quelque chose ! :-)
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