•  <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    En effet, neuf mois plus tard, naquit Igor.<o:p></o:p>

    Un vendredi treize : ce qui faillit me le faire considérer comme sympathique, s’il avait au moins fait l’effort de naître douze à treize minutes plus tard, car la belle-mère, superstitieuse comme un chat noir sous une échelle, venait de jurer haut et fort qu’elle ne mettrait jamais les pieds sous notre toit si le gosse venait à naître à minuit.<o:p></o:p>

    Au lieu de ça, il fallut que ce sale mioche se fît remarquer dès la naissance.<o:p></o:p>

    — C’est vous, le papa ? me demanda la sage-femme, avec l’objet de sa question dans les bras.<o:p></o:p>

    Je faillis lui répondre que je n’avais pas le choix, que j’étais sans doute plus victime que responsable, mais cette dernière me devança en me le refourguant dans les bras, sans se préoccuper de mes intentions, en prétextant qu’ils manquaient sérieusement de personnel au moment des nuits de pleines lunes.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Je regardai alors Igor comme s’il s’agissait d’un objet trouvé que l’on me demandait d’identifier : il me renifla deux ou trois fois le pouce comme un marcassin, tourna la tête comme si mon odeur l’avait incommodé, et se mit aussitôt à brailler.<o:p></o:p>

    Là, je reconnus instantanément la moue caractéristique de sa mère lorsqu’elle décide de ne plus m’adresser la parole.<o:p></o:p>

    — Ce mioche n’a rien de moi, je bougonnai. Avec la chance que j’ai, il va même être aussi têtu que le beau-père …<o:p></o:p>

    Et tandis que je cherchais à prendre conscience de ce qui était le plus laid chez ce rejeton, entre le nez, la bouche, le front et les oreilles, un médecin accoucheur vint me le retirer des bras pour me faire une démonstration de comment il fallait tenir cet enfant que je portais « comme une bûche ».<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    ***<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Comme sa mère avait pris l’habitude de la préserver outrageusement du monde hostile qui l’entourait, Igor arriva à l’âge de quatre ans sans avoir jamais subi la moindre égratignure. Couvé plus que n’importe quel oisillon, il avait même passé toute sa première année de maternelle à la maison, après avoir essuyé deux échecs cuisants de mise à l’épreuve.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Ce jour-là, je l’interpellai, dans la ferme intention de le mettre au défi de monter tout en haut de l’escabeau, sans quoi j’en tirerais l’autorisation de le traiter de petite tarlouze jusqu’à la fin de sa scolarité.<o:p></o:p>

    — Hé ! Igor ! Tu viens jouer au bricolage, avec Papa ?<o:p></o:p>

    Sa mère contenait un regard méfiant, mais l’effort et l’usure qui s’abattaient désormais sur elle étaient devenus tellement lourds, que le seul fait de me voir tendre la main à Igor suffit à ce qu’elle renonce immédiatement à nous vouloir coller aux baskets.<o:p></o:p>

    — Papa va recoller la tapisserie que Beau-Papa a collé comme un sagouin … chuchotai-je à l’oreille du petit protégé.<o:p></o:p>

    — Tu fais attention à ne pas l’assommer avec un de tes outils ! s’inquiéta sa mère, depuis la cuisine.<o:p></o:p>

    Je pris une mine dépitée et poussai un long soupir qui en disait long sur l’amour que j’avais encore pour elle :<o:p></o:p>

    — Elle me fatigue, ta mère … Tu ne peux pas savoir, comme elle me fatigue ! marmonnai-je.<o:p></o:p>

    — Fatigue ? répéta-t-il tout fort.<o:p></o:p>

    Je faillis l’assommer pour le faire taire, mais sa mère, qui avait pourtant dû l’entendre, ne posa pas la moindre question.<o:p></o:p>

    — Igor : tu es peut-être sourd comme le vieux, mais quand je dis quelque chose à voix basse, c’est que je n’ai pas envie que tu te mettes à le crier sur tous les toits. Compris ?<o:p></o:p>

    En guise de réponse, ce débile léger se saisit de son pouce, et me regarda avec des yeux grands comme des billes.<o:p></o:p>

    — O.K. ! Laisse tomber ! Tu me passes le tube de glue ?<o:p></o:p>

    Ce fils de sa mère me tend le marteau.<o:p></o:p>

    — La glue, bordel ! Le tube bleu !<o:p></o:p>

    Il fait la moue, et baisse la tête. Ce mioche est tellement hypersensible qu’on ne peut rien lui dire.<o:p></o:p>

    — Ah non, tu ne vas pas bouder, quand même ?<o:p></o:p>

    Son menton tremble déjà comme une feuille morte, et une larme descend lentement sur sa joue. C’est bien ma veine. Si sa mère nous rejoint maintenant, c’est reparti pour une scène complète de dix plombes …<o:p></o:p>

    Il faut user de tact et de diplomatie :<o:p></o:p>

     

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    Il y avait dans mon entourage, un fils dont j’étais bien obligé de reconnaître qu’il était effectivement probable qu’il fût de moi. Certes, ce n’était pas l’envie de le renier qui me manquait, bien au contraire, mais, voyez-vous, en ce temps-là, les médecins et les magistrats et les sages femmes et les policiers étant tous de mèche du côté des beaux-pères et de leurs filles, il ne me fut guère possible de faire en sorte que ce maudit rejeton, qui n’avait ni ma tête, ni ma force, ne me laissa la tranquillité sauve pour le restant de mes jours.<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Il me fallut donc épouser sa mère, ce qui me fit d’abord entrer illico presto dans le club soit-disant restreint des pauvres abrutis qui vont devoir se traîner un boulet pendant toute leur vie ; et il me fallut ensuite m’inscrire sans plus tarder à toutes sortes de petits travaux intérimaires, afin de pouvoir financièrement endosser, nuit et jour, ce nouveau rôle auquel rien, ni absolument personne, ne m’avait préparé : le rôle de chef de famille.<o:p></o:p>

    La générosité, ainsi que les responsabilités énormes que l’on exigeait de moi, étaient telles qu’il serait complètement indélicat de ma part de vous en effectuer l’énumération, de peur de décourager d’avance tous ceux qui n’ont pas été encore promus à de telles grades de la hiérarchie familiale.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    ***<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Comme sa mère voulait absolument l’appeler Igor, nous appelâmes la cause de toute ma miséricorde Igor.<o:p></o:p>

    Il faut avouer que ce prénom ne me satisfaisait guère, mais, hélas, non seulement l’on ne me demanda pas mon avis, mais, en plus, l’on me fit clairement comprendre que je n’avais pas le choix : comme le père de ma femme avait officiellement donné son accord avant même que l’on me consulte, je n’eus qu’à hausser les épaules, d’un signe plus ou moins approbateur, afin de me soumettre, une bonne fois pour toutes, aux us et coutumes de ce que la langue française osait désigner sous le terme cynique et grinçant de « belle-famille ».<o:p></o:p>

    — Tu n’es pas fils unique ? s’était insurgé ma future femme, le soir même de notre rencontre.<o:p></o:p>

    — Non. J’ai un frère, et une sœur.<o:p></o:p>

    — Quoi ? … ! Mais vous êtes donc des pauvres ?<o:p></o:p>

    Cette petite bourgeoise mal éduquée m’informa qu’il n’était pas rare de pouvoir noter l’inverse proportionnalité qui résidait entre le nombre d’enfants à charge, et la somme des rentrées salariales proprement dites.<o:p></o:p>

    Moins les parents avaient d’argent, plus ils voulaient avoir d’enfants.<o:p></o:p>

    A l’entendre, ma famille, déjà constituée d’un cheptel de trois ramifications, faisait bien évidemment partie de ce qu’elle aimait nommer « les familles nombreuses », familles pour lesquelles je représentais, par conséquent, soit le résultat indirect du statut des allocations familiales, soit une espèce de revenu complémentaire non négligeable à long terme :<o:p></o:p>

    — Tu vis chez tes parents ? me demanda-t-elle.<o:p></o:p>

    Ma naïveté ne m’échappa qu’une fois :<o:p></o:p>

    — Oui.<o:p></o:p>

    — J’en étais sûr ! Je suis sûr que tu leur verses une pension cent fois plus élevée que ce qu’il est convenable de demander à l’un de ses enfants !<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Je venais de rencontrer Pandore, que le destin semblait pourtant particulièrement me réserver, au vu des couples déjà formés de la soirée.<o:p></o:p>

    J’essayais donc de mêler le vice à la vis, en lui offrant un cocktail de ma composition à chaque fois qu’il me semblait naturel de la punir pour toutes les insanités intellectuelles qu’elle semblait visiblement prendre soin de me déballer dans un ordre sans cesse plus croissant vers la calamité. Au bout de neuf ou dix verres qu’elle se vida dans le gosier comme l’aurait fait un évier que l’on aurait pu doter d’un avant-bras, Pandore me fit des avances auxquelles il aurait été inquiétant de ne pas succomber, tant la générosité de son décolleté laissait entrevoir une expérience à laquelle non seulement je n’avais encore jamais été convié, mais que je n’étais probablement pas prêt de pouvoir goûter à nouveau.<o:p></o:p>

    Nous montâmes à l’étage squatter une des dernières chambres encore non occupées par les autres aventuriers de la sexualité. Là, nous nous jetâmes l’un sur l’autre avec le même appétit vorace qu’ont les loups lorsqu’ils se jettent sur un agneau, et, dix minutes plus tard, tandis que Pandore hurlait de toutes ses forces les lois tragiques de l’orgasme féminin trop précoce, je me vidai en elle sans gêne ni restriction, comme l’eut fait un puceau sur son banc d’épreuve.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Frustré de ne pas avoir pu prolonger toute la nuit des ébats que j’avais cru prometteurs, je me retirai inconscient des cuisses de ce mauvais coup d’un soir.<o:p></o:p>

    Mi fier mi honteux de ce trophée dont il était sans doute préférable que je reste le seul au courant, je rentrai sans plus tarder me coucher, la queue entre les jambes, et les couilles encore pleines de libido.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Hélas pour mes parents, je n’avais toujours pas trouvé la perle rare avec qui j’allais pouvoir passer tout le restant de ma vie.<o:p></o:p>

    Mais, le pire était encore à venir.<o:p></o:p>

    Car l’effroyable gâchis de ce trente et un décembre, que je trouvais monumental, n’était pas encore à la hauteur des événements qui allaient en découler. <o:p></o:p>

     

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     <o:p></o:p>

    Il est devenu tellement accro des gaz d’échappements qu’il semble désormais se nourrir d’aérophagie, le pauvre. Ce qui le fait de plus en plus ressembler, à s’y méprendre, d’ailleurs, à une poule de supermarché … Mais, de grâce, ne vous méprenez pas, car sa chair est devenue le filtre à air de toute la cité, et ça contient du dioxyde de carbone, l’air de la cité, ça contient même du plomb, c’est ce qui le rend lourd le pauvre pigeon : il ne peut plus voler, il se contente d’arpenter la corniche en long, en large, et en travers, et puis quand il vient buter sur l’emplacement du balcon du voisin, parce que l’architecte des logements sociaux n’y a pas pensé, à ça, forcément, il n’a pas pensé qu’une corniche, c’est un lieu de pèlerinage, pour les pigeons, il faut que ce soit agréable et sans fin, qu’il y ait des angles de vues et que l’on ne s’y ennuie pas à mourir. Non ! Au lieu de ça, le pigeon, il bute sur le béton brut, et ça fait mal, du béton brut, ça s’effrite mais ça fait mal, et il faut qu’il fasse demi-tour, le pigeon, en prenant garde, surtout, de ne pas perdre l’équilibre, parce que s’il tombe, ça va faire du concentré de pigeon en bas du trottoir, et ça fait sale, un concentré de pigeon, ce n’est pas propre, les piétons glissent dessus, et puis pour ceux qui marchent la tête baissée, c’est encore pire : ça les écœure, ça les traumatise, ça leur coupe l’appétit pour tout le reste de la journée … Ce n’est pas bien, de traumatiser les gens de la sorte : il en a conscience, le brave pigeon, alors il s’applique à la manœuvre, tord du cul et manque de piquer du nez, mais il y arrive quand même, et le voilà qu’il revient à la case départ de son monopoly pigeonnesque, redonner un nouveau sens qui nous échappera toujours, à sa parade infernale, toujours identique et jamais modifiée.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    A la fin de la journée, à force d’avoir piétiné autant de kilomètres que les piétons d’en bas, le pigeon aura peut-être terminé d’élaborer son chromosome en plus, ou bien son gène en moins qui fera que, d’ici à deux siècles ou trois, tous les pigeons du monde seront de la volaille bon marché, livrée sur le balcon, comme de bons repas faciles qu’il n’y aura qu’à saisir en tendant le bras par la fenêtre.<o:p></o:p>

     <o:p></o:p>

    Les gens mourront peut-être de saturnisme, mais une chose est sûre : ils pourront enfin arpenter nuit et jour, sans relâche, la corniche de leur pied de lit, avec des yeux hagards grands ouverts sur ces machines qui s’affaireront autour d’eux pour effectuer un ravalement des murs intérieurs de leurs cellules, ou bien tout simplement pour ramasser et collecter leurs excréments, à des fins peut-être agroalimentaires.

     

     

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